Le malheur et la tristesse sont nécessaires à la formation d’une personnalité, c’est semble-t-il un des enseignements d’Eternal Sunshine Of The Spotless Mind, film foisonnant, innovant et plein de la fraicheur d’un réalisateur qui a bien compris que sans travail créatif, il n’y a pas d’artiste. Les réticences qui avaient été les miennes lors d’un premier visionnage, abandonné après une vingtaine de minutes, ont totalement disparu cette fois. J’ai le sentiment que mes récents coups de cœur pour les films de Wes Anderson m’ont ouvert à ce cinéma aux teintes oniriques et symboliques, aux messages parfois subliminaux et aux interprétations multiples.

Joel est un homme absent du monde, un homme qui passe sans qu’on le remarque, timide et persuadé d’exister sans vivre. Sa rupture avec Naomie n’arrange pas le peu d’amour qu’il se porte et il faut que, sur un coup de tête qui ne lui ressemble pas, il rencontre Clementine au gré d’une ballade à Montauk pour retrouver un semblant d’amour-propre. Jusqu’à ce que leur relation se dégrade et les sépare, les deux amants décident alors de faire effacer de leur mémoire le souvenir de l’autre. C’est lors de cette opération « d’effacement » que Joel se ravise et tente envers et contre tous, de garder en sa mémoire une trace de son bonheur avec Clémentine.

Michel Gondry est un créateur, un amoureux de l’image symbolique, du cadrage et de la mise en scène inspirante. Toute la formidable partie centrale du film, qui se passe dans la tête de Joel, joue sur des plans qui font sens, sur des trouvailles de cadrage, d’éclairage faits de clairs-obscurs qui débordent de la pellicule et ravissent l’intelligence émotionnelle. Les rapprochements avec des films comme Memento pour le montage ou avec Inception pour l’introspection, sautent aux yeux et montrent que des réalisateurs culottés parviennent encore à s’influencer les uns les autres. Et même si on la devine, cette fin est un bonheur d’intelligence et de finesse. Si on y ajoute qu’elle met un bon moment à choisir entre la tristesse et le bonheur, sans jamais tomber dans l’happy-end niaise de rigueur dans tout bon mélo, on tient là un des moments les plus romantiques et poétiques du Septième Art.

Jim Carrey n’est pas qu’un comique, Man On The Moon et The Truman Show l’ont aisément démontré, mais il est ici confondant de retenue (un comble !), de justesse et de douceur. Ses attitudes de petit garçon timide et sur la défensive sont si touchantes, ses regards fuyants appellent à de grands élans de tendresse. Kate Winslet lui donne la réplique, une Kate Winslet qui mérite enfin à mes yeux son César d’Honneur qui, en son temps, m’avait paru un peu prématuré. Une Kate Winslet déconcertante d’aisance, pour passer de la fille totalement exubérante quand elle change la couleur de ses cheveux, à cette fille en recherche d’amour et de sécurité sentimentale.

J’ai fini le film comme après un orgasme, totalement vidé mais avec aux lèvres ce sourire qui trahit l’intense plaisir que m’a procuré un grand moment de cinéma. Les images sont d’une richesse rare et totalement captivantes, l’histoire est faites d’émotions bref, pour Michel Gondry, la forme importe au moins autant que le fond. Un film est un tout qui doit le respect au spectateur et exige que la haute couture cinématographique soit accessible au commun des mortels. Eternal Sunshine Of The Spotless Mind est une des plus belles histoires d’amour et peut-être bien la mieux racontée, il était une fois…

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le 10 juin 2014

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Jambalaya

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