"Jamais eu meilleur boulot"
Vous savez, y a toujours une phrase, un genre de slogan collectif que le spectateur de base va s’empresser de sortir à son voisin de gauche en fin de séance. Pour ça, il faut encore la trouver, cette punchline dans un grand film. Sérieux, c’est bien la marque d’une bombe qui vous prends aux tripes, non ? Et «Fury» en déverse pas mal, des tripes. C’est le moins qu’on puisse dire. Alors si Tom Hanks trouvait sa France «Fupoudav» (Soldat Ryan), et que Jake Gyllenhaal se perdait dans sa «chianlie» (Jarhead), Brad Pitt, lui, entre deux claques, n’a « jamais eu meilleur boulot ». Une claque. C’est à peu près ce que je me suis pris dans la gueule.
Fort d’une expérience déjà chevronnée dans le métier, alliant le bon (End Of Watch), et le moins bon (Sabotage), David Ayer met en scène la famille Wardaddy marchant vers l’Allemagne, le tout dans une sorte de camping-car Old School méchamment armé. Ah… si ce film pouvait faire passer l’envie à Dubosc de faire du camping, j’aurais mis 10. Sans blaguer.
Bref, si le scénario tient sur un timbre-poste, et qu’on n’est pas franchement remis du légendaire Monuments Men (Georges, la prochaine fois que t’as l’idée d’un film de guerre, abstient-toi et laisse ça aux pros), voir Hollywood revenir hanter les mémoires de guerre interroge. Et reste inédit dans son contexte. Pourtant c’est avec plaisir que Mayer, en dépliant cette fresque de deux heures, nous plonge dans l’angoisse permanente de cette équipe marchant vers la mort. Il ne semble y avoir aucune issue, si ce n’est l’émotion d’une empathie pour ces héros déjà plus ou moins morts. Voilà ce qu’on attends d’un film, bordel ! Le pouvoir d’un casting, de cinq hommes qui n’en font qu’un, d’une famille devenu votre le temps d’une guerre éclaire. Alors ouais, revoir trois des acteurs pour lesquels j’éprouve le plus d’affection (Pitt, Bernthal, Labeouf) se donner la réplique, ça n'a pas de prix. Les frères d'armes assurent jusqu’à la dernière note, remplissant le même devoir que leurs personnages : nous clouer au siège. Et, dans ce casting déjà 5 étoiles je demande non pas Jon Bernthal, parfaite gueule cassée et futur grand (Shane, tu me manques, putain !), mais Shia Labeouf, exceptionnel en lieutenant d’un Brad Pitt fataliste à souhait. On se laisse porter, à l'image de ces soldats complètement paumés (un brin héroïque sur le retour, c’est les States après tout), dans ces batailles d'autant plus réalistes qu’elles en deviennent effrayantes. Et ce jusqu’à l’affrontement final, apocalypse du genre qui classera sans aucun doute "Fury" dans la liste des grands classiques de guerres nouvelle génération, à l’instar de "La Chute du faucon noir" ou "Il faut sauver le soldat Ryan". Dans une reconstitution parfaite de l’Allemagne des années 40, entre coloration froide et soignée, on devine une Amérique blessée, imparfaite, parfois inhumaine luttant contre… l’inhumanité. A tel point que chaque scènes, quelles paraissent longues ou maladroites n’en demeurent pas moins transitions efficaces pour une suite encore plus grande.
Inégale par moment tout de même, révolutionnaire dans sa forme plus que dans son fond, esthétiquement immersif, Fury est donc un film qui vous scotchera à votre siège comme une balle en pleine poitrine. Une fresque puissante et personnelle qui donnera une leçon du genre. Jamais eu meilleur boulot.
Je recommande ! (Au cas où c'était pas explicite)
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