La première de Mélanie Laurent chez les Américains, avec des Américains ne passe pas inaperçu de ce côté de l’Atlantique. C’est avec curiosité et encouragement que l’on motive ces projets visant à mêler les genres de plusieurs influences cinématographiques. Cependant, il reste encore du boulot pour que la confiance règne enfin et qu’on laisse exprimer cette cinéaste qui nous aura montré de belles choses derrière à la caméra, avec « Respire » et « Plonger », sans oublier le documentaire « Demain ». Elle parvient à insuffler l’émotion et la justesse au bon moment, ce qui était souvent inégal lors de ses interprétations. Il s’agit d’une étoile montante qu’il s’agit de savoir guider et elle le sait. Elle compte prendre son temps en expérimentant un film noir sur le sol vicieux d’une Amérique connue et usée de cette quête de rédemption.


Malheureusement, l’ensemble n’est pas convaincant. Nous pouvons noter quelques passages certes débordant d’émotions, mais sortis de leur contexte, il ne s’agit là que d’une juxtaposition d’épisodes dramatiques qui se lient sur le plan impersonnel. Nic Pizzolatto a donc opté pour un scénario plutôt axé sur la psychologie de personnages torturés, mais la mise en scène n’aide pas toujours à trouver cette complicité qui perd peu à peu sa cohérence et son intérêt. Roy Cady (Ben Foster), le gangster affaibli par son métier sans avenir, est introduit avec caractère, tout comme l’audacieuse Raquel Arceneaux ou encore Rocky (Elle Fanning) qui croise rapidement sa route. Ces deux âmes perdues, fuient leur passé en direction d’une ville où ils comptent reconstruire une nouvelle vie et une nouvelle identité. Mais la profondeur de ces personnages est laissée en retrait, faute d’objectif précis et de conviction. Dans ce cas-là, il s’agit d’une spirale de douleurs qui ne cessera jamais de les quitter, où qu’ils aillent. Mais le postulat semble indiquer une autre voie, dont on découvre les ficelles bien trop tard pour que l’on puisse réellement développer une relation stable entre la belle et la bête.


La jeune prostituée émet pourtant un potentiel qui galvaniserait son parcours, trop linéaire et trop confus pour que l’on partage son point de vue. Dépassée par ses émotions et ses fantasmes surréalistes, elle se rapproche de plus en plus d’une réalité qui la force à se soumettre à ses contraintes. Sur cet aspect pittoresque du monde, la réalisatrice a bien su mettre en valeur son personnage féminin, qui se couvre de honte et de colère. Mais le vrai coup de foudre, ce sera auprès de Roy qu’on aura la permission d’aspirer à la sensibilité du long-métrage. Il suffira d’un temps mort, sur une plage silencieuse ou encore dans un bar lambda qu’on aura l’occasion d’apprécier la danse de la liberté, du partage et de la joie. Nul mot n’aura plus d’impact que cela si ce n’est le dénouement qui tort le fil rouge à son avantage. C’est avec cette agréable conclusion que nous prenons conscience de toute la violence graphique qui aura auparavant été justifiée.


Ainsi, « Galveston » porte un regarde sur la haine d’un monde envers la femme. Ainsi, l’intrigue nous dévoile que la rédemption est un prix dont la monnaie peut blesser. Dans ce voyage assez balisé et multipliant les séquences de motels, dans le sens du déjà-vu, il y a peu de place pour que Laurent puisse pleinement s’affirmer. Le sentiment d’un engagement intime peine à se prononcer dans les dialogues, trop lourds en mélodrame et peu profonds en spiritualité. Le scénario n’a pas aidé la française à imposer sa patte, où elle y laisse tout de même l’empreinte de l’espoir, malgré le déséquilibre qui pèse sur l’évolution des protagonistes.

Cinememories
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le 16 juil. 2022

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