Les Reliques de la Mort (Part. 1) place le fan dans une bien etrange position. Presque dix ans après la Pierre Philosophale, la routine avait fini par s'installer au sein de cette excellente saga. Les deux premiers épisodes, réalisés par Chris Colombus, essuyaient les platres, apportaient au spectateur son lot de magie, d'innocence, ce que le non-averti (toute la famille) pouvait attendre d'Harry Potter, le petit sorcier tout droit sorti d'un Royaume-Uni au lourd héritage Dickennien. Puis vnt la parenthèse enchantée, Alfonso Cuaron, seul grand metteur en scène (till there...) ayant officié sur la saga. Pugilat des fans les moins cinéphiles : topographie des lieux modifiés, écarts avec e roman injustifiables... Reproches vains et idiots, mais survient ce problème qui commence à poindre le bout de son nez : comment adapter dans un même laps de temps (2h30) des livres de plus en plus longs, touffus. Au moment même où le Seigneur des Anneaux triomphe, apporte la preuve qu'une séance en moins par jour n'est pas incompatible avec succès commercial, la Warner refuse. Un film Harry Potter ne peut pas durer trois
heures. Cruelle décision et casse-tête aussi bien d'un point de vue scénaristique, que rythmique ou même émotionnel.
Puis vint Mike Newell qui réalisa, à mon sens, un des sommets de la saga. Ce faiseur brillant et polyvalent (4 Mariages et un Enterrement, Prince of Persia), parvient, malgré les handicaps évoqués plus haut, à retranscrire quelque chose de la beauté et la joie de l'adolescence, pour aboutir à un climax dark en diable, superbe, perçant.
Enfin ce fut le tour de David Yates, venu de la télévision, et qui continuera d'accompagner notre héros jusqu'à la fin de ses aventures. En ce sens, l'idée du studio de choisir un seul metteur en scène pour couvrir le dernier mouvement de la saga (les trois derniers tomes couvrent bien un seul et même mouvement) apparaît aujourd'hui comme une evidence, un choix d'une rare perspicacité : la terrible guerre opposant Mangemort et Ordre du Phoenix ne pouvait en aucun cas souffrir des divers changements stylistiques experimentés par le passé lors du passage d'un metteur en scène à l'autre. Cependant, si le choix parait pertinent aujourd'hui, il l'était beaucoup moins lors de la sortie de l'Ordre du Phoenix, de loin le pire episode de la saga (oui, oui, même devant les Chris Colombus), echec d'autant plus rageant qu'il s'agissait d'un des tomes les plus jouissifs de la Grande Oeuvre de J.K Rowling. Platitude générale, rythme absent, direction d'acteurs catastrophique, les quelques réussites (le montage des scènes d'occlumencie, et le combat final superbe) peinent à nous faire oublier qu'il s'agissait là d'un premier film.
Yates redressa la barre pour le Prince de Sang-mélé, saisissant la sève du roman, et un peu de son émotion, ce qui n'est pas si évident. Il délaisse le bleu tendance sac Ikea, pour une belle photographie argenté, fievreuse. Il donne du punch à sa mise en scène, retrogradant le catastrophique montage de la bataille de la Salle des Propheties du precedent opus au rang d'anecdotique accident industriel.
Face à cet évident crescendo, le pressentiment à l'arrivée du final tant attendu ne peut être que positif. Il s'y rajoute bien évidemment un interêt certain (voire une émotion) à l'idée d'assister à l'éveil à la mise en scène d'un jeune réalisateur.
Les Reliques de la Mort est donc, à tout aspect, un choc. Une émotion baigne le métrage du début (Hermione ensorcelant ses moldus de parents, quelle trouvaille) à la fin (la césure logique, un des deux grands accès de larme du roman).
Yates arrive à se jouer d'un étrange paradoxe : le film jouit d'un rythme indéniable même au sein des moments les moins reposants. Une première dans Harry Potter, aucun choix, aucune coupe n'est réprehensible. Le tout s'enchaine naturellement, Yates dosant intelligemment la durée, jaugeant l'importance de telle scène ou l'aspect superflu d'une autre, rallongeant pour instiller tel instant de grace (la scène de danse spontanée d'Harry et Hermione) ou coupant sans rechigner ce qui n'a pas beson d'être appuyé (les préparatifs du mariage). Alors qu'est ce qui a changé ? David Yates a progressé ? Tout le monde en a mit un bon coup pour conclure en beauté ce beau morceau de culture populaire qui fascine le monde entier depuis ples de dix ans ?
Il y'a un peu de ça, mais la réponse est plus simple. Harry Potter et les Reliques de la Mort bénéficie de ce qu'aucun de ses prédecesseurs n'a jamais eu : Du Temps. Du temps pour approfondir les personnages, pour aménager des aires de repos, des instants de silence, de pure beauté, du temps pour pleurer les morts, ou apprecier les nouveaux venus. Du temps pour réflechir avec les héros, pour les voir parler, penser, évoluer, sans avoir à sauter vite fait vers la sequence suivante pour que le spectateur puisse absolument voir cette incroyable créature magique en CGI qui va lui en donner pour son argent, ça c'est sur.
Mais autre chose à changer : le jeu des acteurs. Pour la première fois de la saga, les personnages existent totalement. Daniel Radcliffe s'impose définitivement comme un excellent comédien. Rupert Grint qui a toujours été le plus naturel, explose totalement. Et Emma Watson est enfin naturelle ! Belle, attachante, vivante, et sensible, comme Hermione.
Ce passage des Sous-doués à l'Actor's Studio a le bon sens d'intervenir au moment précis où les personnages prennent le large, et leur indépendance, sortant des sentiers battus de Poudlard pour prendre le maquis, loin du confort de l'Ecole. Comme des hommes.
En resulte deux heures et demi de pur bonheur, si vous me permettez ce cliché ultracourru de critique popu enthousiaste, face à un film qui a le bont gout de remettre en perspective une saga que l'on a aimé, cheri, adoré. Un film qu prend pleinement conscience du potentiel emotionnel de son histoire et qui en use avec une maestria sensationelle.
Pour finir, disons que si auparavent je pouvais parler de bons Harry Potter, je peux enfin dans un élan d'honnêteté soulagée dire que je suis en presence d'un bon film.