Harry (Sergi Lopez) est une vieille connaissance de Michel (Laurent Lucas). En découvrant l’étrange personnalité du personnage (un ami qui lui veut du bien…), le malaise gagne aussi bien Michel que le spectateur.


C’est le hasard qui met Michel en présence d’Harry. Michel est le genre tranquille, grand et rassurant, avec un petit côté intellectuel qui inspire un certain respect, même si on peut le trouver trop lisse. Cela se passe dans les toilettes d’une aire d’autoroute, par une chaude journée d’été, alors que Michel va avec sa petite famille vers leur maison dans le Cantal.


Étrangement, Harry se rappelle instantanément de Michel, alors qu’ils ne se sont pas vus depuis une vingtaine d’années au lycée. Très sûr de lui, Harry arbore un éternel sourire satisfait aux lèvres. Le genre qui envoûte ou qu’on fuit dès que possible. C’est la deuxième alternative que choisit Michel. Sauf qu’Harry est tellement précis dans ses souvenirs que Michel éprouve les pires difficultés à s’en dépatouiller. Et c’est quand il croit avoir fui l’importun que celui-ci revient à la charge de façon imparable. Harry gare sa voiture à côté de celle de Michel et, sympathique, lui dit que ce serait trop bête de ne pas en profiter pour se voir un peu. Il présente sa fiancée, Prune (Sophie Guillemin) et obtient en retour que Michel lui présente sa femme Claire (Mathilde Seigner) et leurs 3 petites filles. Très naturellement (!) Harry propose d’inviter tout ce petit monde au restaurant. Ne voulant pas devenir l’obligé d’Harry, Michel préfère proposer à Harry et Prune de découvrir la maison isolée que lui et Claire retapent. On pourrait dire qu’à partir de là c’est fini. Michel et Claire ont mis le doigt dans un puissant engrenage. Or le film ne fait que commencer !


Michel et Claire ne sont pas des naïfs, mais ils n’ont pas mesuré de quoi Harry est capable. Car celui-ci va emberlificoter Michel en lui ressortant des souvenirs de plus en plus précis et improbables. Et puis, Harry c’est le genre de type qui, en toute tranquillité au beau milieu d’un repas, se permet des paroles qui flirtent avec une vérité qui n’apparaît habituellement pas dans ce genre de situation, des propos qui peuvent blesser. Il joue sur une certaine forme d’intimidation en étant le seul à dire vraiment ce qu’il pense, se fichant royalement de mettre les uns et les autres mal à l’aise. Dans ce registre, il affirme à Michel qui traine comme lui en pleine nuit dans la cuisine, qu’il a lu quelque part que, pour une bonne hygiène de vie, il faut manger un jaune d’œuf cru après chaque orgasme. Et de se servir illico dans le réfrigérateur. Harry c’est aussi le genre à décrocher le téléphone (fixe), alors qu’il n’est pas chez lui (tout en expliquant tranquillement qu’il n’y avait personne d’autre dans la pièce). Et puis, il ne se gêne pas pour dire à Michel ce qu’il pense de sa façon de mener sa vie. Avec un aplomb terrible, il lui détaille ce qui le freine pour s’épanouir. Et là bien-sûr, Harry se révèle pleinement.


Dominik Moll réussit un film à suspense qui aborde la question des relations humaines sous un aspect qui fait froid dans le dos. Le pire dans l’histoire c’est qu’il y a un fond de vérité dans ce tout ce que dit Harry. C’est vrai qu’on a tous éprouvé des envies de meurtre(s) à certains moments vis-à-vis de personnes qui nous entourent. Dominik Moll (avec son coscénariste Gilles Marchand) nous invite à nous poser la question du fondement des relations humaines dans une société (plus complexe qu’un simple j’aime ou j’aime pas). Étant donné que les deux films datent de la même période, je ne peux pas m’empêcher de faire le rapprochement avec "Amélie Poulain". Résultat de la comparaison ? Harry est à l’extrême inverse, alors que tous les deux ont le même objectif : dispenser des bienfaits à leur entourage. Et pourquoi Amélie a-t-elle plu davantage qu’Harry ? Parce qu’elle joue les bonnes fées altruistes, alors qu’Harry est totalement dénué de scrupules et malfaisant. La vision du monde selon Harry fait évidemment frémir. Harry fait peur alors que « tout le monde » aime Amélie la bonne âme. Mais le rôle du cinéma est-il de divertir (très honorablement, car le film de Jeunet présente d’autres qualités) en présentant un monde à la limite de l’enchantement ? Ou bien de nous surprendre et de nous faire réfléchir intelligemment ?


La manière Moll ? Le réalisateur appuie là où ça fait mal et on le sent ! Il montre une famille ordinaire qui, malgré une méfiance naturelle, va devoir employer les grands moyens pour tenter de s’en sortir. Le réalisateur place très naturellement tous les éléments intéressants et il installe un climat où on sent la situation évoluer lentement vers quelque chose de malsain. C’est avant Michel et Claire que le spectateur découvre progressivement de quoi Harry est réellement capable. On craint le pire, mais cela ne donne pas la clé pour réagir efficacement…


Le suspense est bien maintenu et la tension monte progressivement. Les quatre interprètes principaux sont au diapason d’une mise en scène bien élaborée. Alors qu’Harry se révèle, Michel et Claire tentent de garder la tête froide. La fin est assez particulière, car si Michel peut esquisser un sourire, le spectateur sait bien que les événements qu’il vient de vivre l’ont marqué pour le restant de ses jours.

Electron
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le 25 août 2016

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Electron

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