Si les années 2010 ont vu fructifier le genre horrifique avec nombre de films de plus en plus formatés, au fonctionnement efficace mais attendu ; un film comme Conjuring, bien qu'il procure quelques frissons, n'en reste pas moins très attendu, manquant d'originalité et aucunement surprenant et donc très plat (je tape sur lui parce qu'il a fait le buzz, qu'il parle à tout le monde et qu'il a une thématique similaire à Hérédité, il y a évidemment bien pire comme film d'horreur).


Hérédité, c'est autre chose ; avant de nous présenter ses aspects surnaturels et cauchemardesques, le film nous installe dans une ambiance de drame, où il n'y a pas de raison d'avoir peur. On découvre les personnages, leurs vies, leurs relations, leurs obstacles.


Hérédité nous emmène dans une direction, et lorsque l'on pense la maîtriser et la comprendre, il nous ouvre une nouvelle porte (parfois littéralement) pleine de mystère. Ainsi, plus le film avance, plus on se fait promener et la situation devient incontrôlable et imprévisible. Mais c'est avant tout une question d'ambiance : Hérédité n'est pas très gore, ni bien violent, il n'y a pas non plus de jump scares. C'est l'image sombre, les visages défigurés aux regards inquiets et la musique ronflante qui tient en haleine qui fondent cette ambiance.


Les acteurs y sont également pour beaucoup. Le jeune Alex Wolff est assez touchant, et Toni Collette est à mi-chemin entre l'antagoniste de Misery et Shelley Duvall dans Shining, selon son humeur. Cette actrice à elle seule engendre une bonne partie du malaise du film, tant elle est ambiguë.


Cependant, si le film est parfois étrangement comparé à L'Exorciste, je ne suis pas sûr qu'une telle comparaison puisse être pertinente. Les mêmes thématiques sont abordées, que ce soit le spiritisme ou le deuil, mais l'angle est différent, et l'atmosphère est ici beaucoup moins froide, plus onirique, ou plutôt cauchemardesque.


Il n'y a que la fin qui me laisse un peu sur ma faim. Si le couronnement d'un personnage devenu antagoniste semble être une marque de fabrique d'Ari Aster, le démon Paimon est assez peu introduit, et je trouve presque dommage d'avoir ajouté un démon là où l'on aurait pu se restreindre à un rite familial avec une famille de fous furieux.


Hérédité se démarque remarquablement de son genre, mais le style d'Ari Aster mérite encore d'être affiné. C'est ce qu'il fera dès son prochain film, Midsommar, qui est très fidèle à Hérédité dans sa façon d'installer une situation énigmatique et incontrôlable, mais s'en émancipera en proposant une histoire réaliste, par conséquent d'autant plus dérangeante.

Monsieur_Cintre
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le 15 sept. 2020

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Monsieur_Cintre

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