Il est amusant de constater que Ridley Scott semble prendre un malin plaisir à faire la nique aux critiques qui, après l'avoir bien léché pour Le Dernier Duel, se font un devoir de le lâcher aujourd'hui avec son House of Gucci et surtout, son timide six de moyenne sur le site, où pas grand monde, apparemment, ne trouve son dernier effort défendable.


Si House of Gucci se montre effectivement un poil en dessous de son film si actuel se déroulant au moyen-âge, il n'en demeure pas moins aussi pertinent et foisonnant dans le monde qu'il dépeint, assez voisin de celui dans lequel évolue la famille Getty de Tout l'Argent du Monde.


L'écrin est classique : le monde de la mode avec ses trahisons et autres coups fourrés, ses duels à fleurets mouchetés et ses personnages forts. Sauf que Ridley le met en image en épousant le caractère de son sujet, soit à l'italienne. Avec donc tout ce que cela suppose d'excès, de ridicule, de flamboyant et de comedia dell'arte d'une exubérance mi drolatique, mi pathétique adoptée par presque chacun des membres de la famille.


Un tel écrin ne peut qu'être à la mesure de ses personnages plus grands que nature, servis par des acteurs tels Al Pacino ou un Jared Leto méconnaissable, dont les relations ne peuvent que tourner au conflit de générations et de factions au sein d'une famille tournée vers le passé et l'immobilisme d'un nom écrit en lettres d'or.


L'irruption de Patrizia et de son arrivisme, de sa volonté d'émancipation, dans un clan qui n'y était pas préparé, n'en revêt que plus d'impact, alors qu'elle ne sera jamais considérée comme plus qu'une pièce rapportée, issue d'un milieu prolétaire que l'on ignore poliment et qui ne saurait être soluble au sein de la maison Gucci.


Lady Gaga, après A Star Is Born, trouve une fois encore à endosser un rôle fort et magnétique en forme d'élément perturbateur dont l'arrivisme, la conviction et l'envie d'épouser la cause de la gestion de la célèbre marque de luxe l'imposent comme l'élément central de la chronique d'une mort annoncée et inéluctable. Dont le premier rouage est cette histoire d'amour fulgurante d'un couple mal assorti mais immédiatement attachant grâce au duo formé avec un Adam Driver tout en retenue.


Si l'intransigeance et l'ambition de Patrizia vont faire courir Maurizio à sa perte, cette épouse n'est en définitive que le révélateur de la véritable nature de ce dernier, d'abord effacé, voire écrasé par son épouse, avant de se montrer lui aussi d'une perfidie et d'un machiavélisme qui n'ont rien à lui envier.


Le milieu de la mode décrit n'est guère reluisant, tout comme l'atmosphère régnant au sein de cette famille prestigieuse en train de pourrir lentement de l'intérieur par les jeux de pouvoirs et les retournements des alliances. Au point que le nom de Gucci, pour Ridley Scott, apparaît comme une véritable malédiction touchant chacun de ses représentants.


House of Gucci s'impose comme une véritable saga animée de pôles contradictoires expliquant sans doute son rejet par beaucoup, mais aussi la fascination, en forme de sortilège, d'une chute glaçante dans un abîme de sang et de cendres, dont il ne restera que le monogramme d'une marque familiale... Dont plus aucun membre ne préside aujourd'hui à la destinée.


Behind_the_Mask, qui ne vaut pas le prix qu'on l'a acheté.

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le 29 nov. 2021

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Behind_the_Mask

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