Je me souviens encore, lorsque j'avais été voir Inception le 21/07/10, m'être demander comment je pourrais écrire une critique sur un film qui me paraissait aussi riche, au scénario aussi ingénieux et une mise en scène aussi impressionnante. Me remettant toujours pas du choc qu'avait été le film quelques jours après, je m'étais résigné à juste écrire : « Ce film est un chef d'oeuvre.
Le scénario n'est pas si compliqué que ça,il faut juste se mettre dans le film dès le début. On ne s'ennuie jamais et la fin est tout simplement grandiose.
Christopher nolan est l'un de mes réalisateurs préféré et ce n'est pas pour rien » (j'ai depuis pris quelques cours de français et d'argumentation).
Tout ça (pas grand-chose en fait) pour en venir au fait, assez cliché, que je ne sais comment aborder ma critique d'Interstellar. Alors oui généralement ceux qui écrivent cela nous sortent sûrement l'une de leur meilleure critique. C'est pas comme si d'habitude je construisais vraiment un plan organisé avant de donner mon avis mais comment faire en sorte que mon texte soit à la hauteur de mon admiration pour ce film, surtout quand tout ce que je pense du film a déjà été plus ou moins dit par-ci par-là ?
Comme le disait Le Fossoyeur de Films, il ne fait d'Après Séances que lorsqu'il a vraiment quelque chose à rajouter par rapport à ce qui a déjà été dit auparavant sur le film concerné, autrement dit, « quand t'as rien à dire, tu fermes ta gueule ». Un adage que je m'efforce de respecter mais ayant attendu avec impatience ce film depuis son annonce (à peu près), je vais quand même tenter d'apporter ma pierre à l'édifice.


Comme vous pouvez le constater, je suis un adorateur du travail de Christopher Nolan et de son co-scénariste et frère Jonathan (« Putain mais quand est-ce qu'il y vient au film? » J'y arrive, j'y arrive...), depuis Following jusqu'à maintenant Interstellar. Et ce que l'on peut constater, en regardant la filmographie de Nolan and Bro. (c'est surtout celle de Christopher), c'est l'évolution du traitement des personnages. De Following au Prestige (voire jusqu'à The Dark Knight), le traitement de ceux-ci et de l'histoire était assez froid, déshumanisé. Mais à partir d'Inception, Nolan opéra un changement radical en accordant une place importante à la profondeur dramatique de ses protagonistes, notamment dans la relation entre Cobb et Mel. A tel point que l'une des interprétations du film voulait que ce soit Cobb le sujet de l'inception afin de faire le deuil de sa femme, faisant ainsi de Fisher l'extracteur et non plus la cible et transformant alors le film en drame.


Avec Interstellar, Nolan confirme totalement cette impression et fait son entrée dans le drame familial. Paradoxal tant jamais auparavant un long-métrage du réalisateur britannique ne se sera autant appuyé sur des théories scientifiques. L'ambition du film et sûrement sa plus grand réussite, c'est de concilier la science (froide, calculatrice et incompréhensible) à l'amour (incompréhensible aussi...), sans que l'un n'empiète sur l'autre. L'amour est ici le centre du film, ce qui pousse le personnage principal à sauver l'humanité et si possible faire son retour sur Terre (histoire de passer coucou). L'amour pour sa fille (le fils ? On s'en fout un peu...) prend très souvent le pas sur la quête « principale », le père cherchant à revoir sa fille et inversement tout en tentant, chacun à leur manière, de trouver la solution pour délocaliser 6 Milliards de personnes. Ce rapprochement se caractérise par un montage alterné entre la Terre et l'espace, entre Murphy et Cooper, dont les situations ne sont finalement pas si différentes malgré la distance qui les sépare, jusqu'au dernier acte, où les deux environnements se rejoignent dans le même lieu.


Ce dernier acte, bien qu'extrêmement poétique, montre malheureusement la limite du film (et peut-être celle du réalisateur). A trop vouloir être terre-à-terre et adopter un point de vue scientifique, le réalisateur s'enferme quelque peu dans cette Hard S-F et lorsqu'il décide d'en sortir, la cohérence, pourtant point fort du reste du film, s'en retrouve fragilisée. Et le spectateur, un peu perdu. Le trop plein d'informations de cette dernière partie s'enchaîne à une si grand vitesse que le récit se barre un peu en couilles et qu'un second visionnage semble indispensable pour assimiler toutes les informations et les rouages de la dernière demi-heure, le reste du film disposant d'un personnage en particulier chargé de vulgariser certaines théories.
Cette partie WTF ?!? n'est pas sans rappeler celle d'un autre film, culte, chef d’œuvre (vous le sentez venir non?) : 2001 L'Odyssée de l'Espace.


Alors je m'étais donné comme obligation de ne pas parler du long-métrage de Kubrick dans ma critique, car comme pas mal de monde, comparer à tout bout de champ tel ou tel film avec ce dernier me saoulait pas mal. « T'as fait un film qui se déroule dans l'espace ? T'as fait ton 2001. T'as fait une bouse avec un propos pseudo-philosophique sur la vie et son évolution ? Bravo les gens sont cons, ils ont kiffé et t'as fait ton 2001 » mais force est de constater que, ici, la comparaison est inévitable. Certainement pas dans le fond, mais plus dans la forme.
Dans le traitement donné au son déjà, puisque depuis 2001, aucun film n'avait utilisé l'absence de son dans l'espace si l'on excepte Gravity qui se révélait être une supercherie à ce niveau-là, la BO de Steven Price faisant office de bruitages sonores afin de ne pas déstabiliser le spectateur lambda. Nolan, lui, ne le fait pas (cohérent avec sa recherche de réalisme), même si la musique est quasi-omniprésente (trop diront certains, et ils auront peut-être raison), celle-ci ne prend jamais la place des bruitages. En résulte une mélancolique certaine, là où 2001 était plus psychédélique mais également un sentiment de solitude déjà éprouvé par l'éloignement entre Cooper et ses enfants.
Ensuite le traitement donné à l'image. J'ai eu la chance de voir le film en 35mm et non en numérique. Je ne cache pas que les premières minutes furent assez douloureuses pour mes rétines tant les sous-titres étaient flous et oscillaient entre blanchâtres et jaunâtres dégueulasses. Mais plus le film avançait, plus ce choix de tourner en pellicule trouvait son sens, un cri d'amour de la part de Nolan pour la pellicule et un « retour en arrière » contrastant avec la modernité du propos. Un retour en arrière emprunté par l'espèce humaine, revenue à son état le plus rudimentaire, cultiver pour survivre, en attendant la fin les bras croisés au lieu de se bouger le fion et d'user de ses capacités pour explorer l'inconnu.
Le grain conféré à l'image rappelle donc ces films et séries de SF des années 70-80 (dont 2001), comme l'esthétisme donné aux vaisseaux du long-métrage, très simpliste et limite kitsch avec les nombreux allumages et boutons présents à l'intérieur de ceux-ci.
La BO, elle, fait penser à celle de Koyaanisqatsi et plus généralement d'une composition de Philip Glass, Hans Zimmer délivre de majestueuses musiques, remplies d'émotions et octroient au long-métrage une dimension expérimentale et orgasmique lors de nombreuses séquences.


Un voyage épique et un torrent émotionnel qu'est ce Interstellar, 2h49 d'une intensité rare qui, malgré une approche toujours plus réaliste fermant certaines portes scénaristiques, demeure une expérience humaine trop rare et complexe, plus par les notions scientifiques abordées que par les émotions qui y sont véhiculés, finalement déjà vu de nombreuses fois mais portés par d'excellents acteurs, en particulier Mackenzie Foy.
Le meilleur film de cette année 2014 et peut-être l'un de mes films préférés (on verra si cette impression persiste au second visionnage).


PS : Bravo si tu lis cette dernière phrase, c'est que tu as réussi à te coltiner toute ma critique (ou que t'as juste sauté des passages...), un cookie pour toi !


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-Icarus-

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