C'est un film vers lequel j'ai été porté par deux raisons. Une sa réputation de choquant, du à sa scène de viol et la scène de l'extincteur. Secondement la volonté de regarder la filmographie entière de Gaspard Noé. Pour la première raison, ce n'est pas une volonté perverse mais tout simplement la volonté de voir ce qui est, selon pas mal d'avis, un film repoussant et horrible, je voulais en être sur par moi-même. Pour la seconde raison, Noé est un génie.
J'ai lu et entendu beaucoup de vives critiques sur ce film. Je voulais donc savoir de moi-même, me faire mon avis, ma critique. Alors cette première partie de ma critique va mettre en lumière cette censure journalistique dont le monopole du bon gout, l'attribution des qualités, la bonne parole sort de la bouche des journalistes, des critiques. Leur façon d'influencer et de juger est une sorte de censure oui, ils galvanisent les préjugés et les "biens pesants". Respectons l'avis de tous. J'ai entendu dire que des journalistes sont sortis de la salle pour vomir, ne regardant pas la suite du film. À ce moment-là pas de critique, pas d'avis car le film n'a pas été visionné dans son intégralité. Ensuite il n'est pas nécessaire en premier lieu, ni juste d'écrire ou de parler des films si c'est pour argumenter avec un vocabulaire injurieux, donner son avis est une construction qui se veut respecter une logique d'intelligence du propos, de recherche et de constructivité de l'argumentation. En somme c'est un échange qui recherche le débat avec intelligence et respect.
Mais de toute façon la critique française est dirigée, guidée par des "Canneux", journalistes et élites de critiques qui ont désormais contaminés les jurys pour récompenser ce qui leur semble le plus dans leurs critères, sans ouverture. Ainsi par exemple en 1976, Taxi Driver est récompensé par la palme d'or, Scorsese est alors hué par la foule de journalistes, le film étant jugé trop corrosif et cause d'indignation. Les exemples foisonnent et aujourd'hui ce genre d'évènements n'auront plus lieu. Puis sérieusement comment un étranger peut élire un film qui touche à la culture française, il ne peut en comprendre le profond propos. Je n'accumulerai pas les exemples. Enfin voilà ce film c'est finalement fait une réputation sur le dos des journalistes, c'est bien fait pour eux.
Venons-en désormais au réel intérêt, la critique de ce film. Dans les précédent film de Gaspard Noé j'ai vu beaucoup de qualités, de personnalité, de caractère qui fait de son cinéma un style très identifiable. Les excellents Into the Void et Seul Contre Tous développent un style singulier reconnaissable. Le flou général, pas de repère la caméra sans arrêts en mouvement, le cadre n'a pas de limites, aucun des personnages non plus. Là où Seul Contre Tous est rigide, Irréversible devient réversible, déboulonnable, la société, mais surtout l'homme est détrônante, il peut se salir, il a des failles, joue de ses erreurs et vit dans la honte, la cupabilité et la haine. La violence.
Gaspard Noé cultive un cinéma de la violence, dans le propos, ici une histoire de viol et de défiguration. Le petit ami de la victime pourchasse l'agresseur dans l'underground parisien avec l'ex de sa copine, ils pistent, et retrouvent un homme que l'ex tue dans un scène très violente. Mais la violence est permanente, visuellement, et aussi de façon auditive. Grincements, bruits de la nuit, de la ville, le vacarme des voix et de la haine. Visuellement, le rouge une récurrence dans le cinéma de Noé, imprime notre rétine pour nous faire regarder son film comme ses personnages le vivent, les yeux injectés de sang, la haine, la volonté de violence et de déchirement. L'homme est auto-destructeur, il se tue, et comme tuer est contre nature en tuant ses semblables il se transperce de ses vices et de ses errances dantesques. Noé est un génie, il capte la violence, il est le cinéaste de la violence sous tout ses aspects.
Je n'ai pas d'opinion négatif sur ce film, je lui mets une assez bonne note pour le fait qu'il soit original, qu'il ait du caractère, de la personnalité, de la qualité, oui oui de la qualité, du travail et un sens artistique de l'image. Un virtuose, que je comparerai à du Scorsese dans la texte, dans la maîtrise, même si le maître est difficilement égalable et bien sur Noé a son style, son sens. Récemment j'ai vu la bande annonce de Only God Forgives, et bien certains plans, le style, bien qu'identifiable à Refn, ressemblent au cinéma de Noé. Le film réputé violent déclenche d'ailleurs de vives polémiques sur sa classification. Toujours est-il que Noé s'est créé son genre et le possède, il le tien et se respecte et c'est tout ce qu'on peut espérer d'un artiste.
Ce film est une réussite dans son genre. Gaspard Noé utilise le subversif et le choc, il en fait sa chose et non pas l'objet et l'outil de ses revendications. C'est la maîtrise du sujet qui est à l'oeuvre, le film est sa création, il le tient et le respecte en tant qu'inspiration et partie de lui. Son génie vit dans ce fait. Irréversible trouve bien sa place dans la filmographie de Gaspard Noé, il la complète et l'habite de son intriguante singularité, de son caractère à contre courant.
Pour conclure, Noé est un génie, je le répète souvent, mais on ne peut le dire assez. Son film fait preuve de ce que le cinéma peut créer de vivant. Certes le mal est toujours plus facile à mettre en scène ou à reconstituer dans sa planification car respecte une logique primitive et sensorielle moins aiguë et moins réfléchie. Cependant le virtuose en fait une expression, une définition de l'âme humaine, qui devant la haine et la violence ne recherche que la copie, la vengeance, répétition des schémas.