Revoir le tout premier James Bond, c'est toujours un risque. On a des souvenirs, souvent biaisés, le résultat peut être profondément décevant. Fort heureusement, avec James Bond contre Dr. No, le revisionnage est tout à fait positif, pour peut que l'on soit attentif aux détails. Bien sûr, le fond déroulant une route et le ventilo pour signifier un trajet en voiture, c'est un procédé qui est monnaie courante à l'époque ; mais le charme de ce film se situe ailleurs. Une grande partie de l'artifice du théâtre ou du cinéma de Méliès est mis en scène, comme une araignée filmée sur une vitre pour ne pas faire subir une tarentule au bras musclé de Sean Connery. Tout est bon pour palier au manque évident de moyens de la production, notamment l'usage tout à fait mignon de maquettes pour représenter les rivages de l'île du méchant Docteur avec toutes ses installations (qui explosent dans les derniers plans).
Au-delà de la sympathie que peut procurer le film, on trouve dès ce premier opus toute l'essence de la saga : un générique très travaillé, une James Bond Girl parfaitement superbe, Ursula Andress, qui reste dans les mémoires comme le parangon de la James Bond Girl, resplendissante et forte, un méchant charismatique, une histoire d'espionnage somme toute simple, une musique emblématique, des clichés du film d'espionnage (un cheveu sur la penderie, du talc sur l'attaché-case pour confirmer une éventuelle visite de la chambre).
Mais je voudrais revenir quelques lignes sur la construction des personnages de Bond et du Docteur, notamment leur apparition. Pour Docteur No, on ne le voit entièrement que dans les toutes dernières minutes du film, alors qu'on entend sa voix dans une scène autour de la quarantième minute (scène qui, au passage, est très réussi pour sa création d'ambiance angoissante). Toute la puissance du Numéro 8 tient dans son absence : d'abord une voix, venant hors-champ d'un haut-parleur qui surplombe la pièce. Ensuite, des jambes, forçant la caméra à se mettre à terre, littéralement, pour pouvoir le filmer, plaçant le spectateur dans une position de totale dominé. Voix, pas, et enfin mains, que Numéro 8 a perdu suite à ses expérimentations atomiques, ce qui lui coûtera la vie, incapable qu'il sera de refermer ses mains sur une prises pour lui éviter de plonger dans une cuve radioactive (ce qui souligne au passage son absence d'humanité la plus essentielle, le pouce préhenseur étant une caractéristique physique du groupe homo).
Venons-en à Bond : lors de sa première apparition, on ne voit que ses bras, distribuant les cartes du casino. Un profil, puis une main, un dos, et une voix ; près d'une minute de jeu d'ombres pour enfin dévoiler le visage du héros, rendant ce dévoilement similaire à celui de No. Lorsque l'on voit Bond de dos (de trois-quart gauche, pour être tatillon), le plan est un panoramique avant-arrière, comme pour souligner qu'après une promiscuité certaines (gros plan sur ses mains), le personnage de Bond nous échappait, le rendant d'autant plus mystérieux et attrayant. En deux plans, Terence Young parvient à insuffler du charisme à son personnage, preuve d'un talent certain.


Replonger dans cet univers qui a fait mon adolescence, c'est un véritable plaisir, surtout quand la qualité est au rendez-vous. J'espère que la suite se révélera aussi intéressante que cette redécouverte.

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le 22 févr. 2017

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Xavier Petit

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