Le portrait de trois jeunes femmes dansant contre la société patriarcale

L'affiche et le titre du film m'ont donné envie de voir Je danserai si je veux. Je voulais faire la connaissance de ces trois jeunes femmes et découvrir leurs histoires. La séance va être difficile en jouant avec mes nerfs, tout en me procurant parfois des sourires et une larme d'émotion au coin de l’œil.


Le film s'ouvre sur une femme âgée prodiguant ses conseils à une jeune femme, dont elle est entrain d'épiler sans ménagement les jambes. En substance, elle lui dit de bien tenir son foyer en prenant soin de son mari, de son estomac, de son corps et d'accepter ses désirs sexuels, bref elle lui dit de se soumettre à celui-ci. Elle ne fait que transmettre l'éducation qu'elle a reçu. On ne peut pas lui en vouloir, juste sourire à l'écoute de ses propos semblant provenir d'un autre temps. Pourtant, la société patriarcale est toujours omniprésente dans nos sociétés actuelles. Elle n'a jamais disparu et continue d'imposer son point de vue, lui permettant de garder la femme sous son joug. Ce qui est dérangeant, c'est le manque de réflexion de cette femme âgée sur sa condition. Son absence de recul, permet à ces traditions ancestrales de perdurer.


On va faire la rencontre de Leila (Mouna Hawa), Salma (Sana Jammelieh) et Nour (Shaden Kanboura). Les deux premières croquent la vie à pleines dents en transgressant les tabous jusqu'à l'excès en abusant de l'alcool et drogues. La dernière est fiancée, son destin est déjà tracé et la cohabitation avec ces deux esprits libres ne va pas être facile. Ce sont aussi des jeunes femmes palestiniennes vivant dans la grande ville de Tel-Aviv en Israël. Elles sont prises entre deux cultures et doivent aussi subir la pression familiale, voulant les voir se marier et fonder un foyer. Ces mêmes familles affirmant qu'elles ne veulent que leur bonheur, mais imposent leurs visions de la vie, dont le schéma classique est devenu la norme. En s'éloignant de leur emprise, elles peuvent découvrir le monde sous un autre œil et apprendre à se connaitre elle-même. Tel-Aviv est représentée comme une ville décadente, remplie de tentations et corrompant les esprits de ces jeunes venant s'échouer dans son immensité. C'est aussi un lieu ou la jeunesse peut s'émanciper et jouir de la vie selon leurs envies. Les trois héroïnes ont des caractères et éducations différents, mais ce sont avant tout des femmes se retrouvant constamment en prise avec le patriarcat et des diktats.


Leila est vue comme une jeune femme libérée, voir une pute, par les esprits étriqués des hommes voulant la soumettre. Ils la désirent, mais veulent la façonner selon leurs exigences. Son attitude et sa beauté les séduits, mais ils ont ce besoin irrépressible de la soumettre pour en faire une épouse modèle aux yeux de leurs familles. Cette hypocrisie se retrouve dans la relation de Nour avec son fiancé, se disant un homme pieu. Ce n'est qu'une apparence, tout les hommes ne veulent qu'une chose : soumettre leurs femmes en les rendant dociles. Ils n'ont pas le beau rôle, mais c'est dû à leurs comportements. On ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier, tout comme le monde n'est pas juste blanc ou noir. Il y a des nuances, mais ce n'est pas le propos de la réalisatrice Maysaloun Hamoud. Elle fait le portrait de trois jeunes femmes qui ont chacune une relation différente (Salma affichant sa préférence pour les femmes). Son constat est pessimiste sur la situation de la femme dans la société actuelle. Elles ne semblent pas avoir la possibilité de trouver le bonheur, si elles continuent à vivre selon leurs désirs. Leia, Nour et Salma vont sentimentalement souffrir, mais se souder face à l'adversité. Ce n'est pas entièrement sombre, avec une petite lueur d'espoir dans ce désolant paysage masculin.


Pour un premier film, c'est une belle réussite. Le propos aurait mérité d'être plus nuancé, mais on s'attache à ces trois héroïnes en voulant savoir comment vont évoluer leurs vies, surtout que le dernier plan nous laisse dans l'expectative. On voudrait plaider notre cause, en leur disant que tout les hommes ne sont pas des dominants manipulateurs, puis d'émasculer ceux qui vont leur manquer de respect pour montrer notre bonne foi. Mais nous sommes dans une époque ou tout s'oppose, que ce soit les sexes, religions, politiques, idées, éducations, etc... C'est un combat de longue haleine et comme la paix entre la Palestine et l'Israël, elle semble impossible.

easy2fly
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le 13 avr. 2017

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Laurent Doe

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