Il n’est pas étonnant de souffler un peu alors que l’on a baigné trop longtemps dans l’angoisse et la sensibilité. Beaucoup ont eu le plaisir de délivrer un panel de formules émotives, mais peu d’entre eux assument un moment d’égarement, parfois nécessaire afin de renouveler sa vidéothèque pleine de grâce et de sincérité. Un de ces serviteurs répond au nom de Juan Antonio Bayona. Le metteur en scène espagnol s’est illustré dans des drames avant tout familiaux, avec « L’Orphelinat », « The Impossible » et « Quelques Minutes Après Minuit ». Et bien qu’il propose un divertissement grand public ambigu, il renoue néanmoins avec ce qui fait de lui un auteur à part entière, ne serait-ce le temps de quelques passages rafraîchissants pour une franchise encore en chantier.


Enfin, une réelle tentative d’innover pointe le bout de son nez. Cependant, de multiples défauts scénaristiques font que l’intrigue survole ce qu’il entame. Ce sont alors d’interminables scènes de poursuites qui se précipitent vers un message à la fois écologique et humanitaire, sans surprise. La problématique du génome que l’on contrôle à souhait est remise en cause dans ce second volet qui promettait son appétit pour l’inconnu. Finalement, le film se retrouve comme un écho devant les écrits de Michael Crichton, sans saveur et sans impact. On peut noter un conflit entre les enjeux du récit et la motivation des personnages. Cela tient plus du spectacle que de l’intervention moralisateur que l’œuvre tente d’endosser.


On retrouve tout de même nos héros préférés, déserteurs d’un parc recyclé. Cette fois-ci, il fallait changer d’environnement afin de convaincre le public que d’autres options sont à l’étude. L’aventure emprunte un chemin auquel il fallait s’y attendre. La question de cohabitation reste au second plan et on préfère exploiter la férocité des créatures perdues dans un monde qui ne les accepte pas pour ce qu’ils représentent réellement. Le réalisateur éprouve le besoin de briser la barrière iconique que l’on a des dinosaures. Il n’hésite donc pas à y mettre sa patte et intervenir en faveur de « monstres » sous-exploités, que l’on fait défiler comme dans un documentaire en quête de fantasme. Pourtant, le domaine de l’imaginaire, il s’y est frotté il y a peu. Pourquoi ce dernier essai n’effleure pas nos cœurs de la même façon qu’autrefois ? La raison vient notamment d’un cahier des charges très millimétré. Le blockbuster doit mettre en avant ses codes et c’est ce qui fait du film une victime de son succès.


Bayona met entre parenthèses ses compétences pour enfin goûter au plaisir de divertir. Toutefois, sans oublier qu’il pouvait faire d’un dinosaure un véritable monstre, il s’égare dans une réalisation hésitante et cela se ressent lorsqu’un chapitre est franchi, car rien n’est jamais abouti comme il le faudrait. Reconnaissons malgré tout une ambiance lugubre et réussie qui domine « Jurassic World : Fallen Kingdom ». Le compromis est difficile à identifier dans un film qui dégage deux actes très différents et qui ne sont pas de même qualité. La première salue fièrement les cendres qui ont forgé cette saga, alors que le doucement se rapproche d’un mariage de genre, encore trop farfelu pour qu’on se sente bien impliqué. Là où l’aîné a profité de la nostalgie, ce prolongement profite de l’effet de surprise pour séduire. Malheureusement, le décalage entre le bon sentiment et un montage bâclé ne contribue pas à une bonne crédibilité de l’histoire. Si la Nature reprend ses droits comme l’œuvre le laisse supposer, c’est alors l’overdose de réalisations académiques qui vient justifier un faux pas qu’on aurait pu éviter.

Cinememories
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le 6 déc. 2022

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