Franchement, s'il se trouvait parmi vous des gens qui d'un côté ne supportent pas les films de super-héros pour cause de puérilité excessive et patente, et dans le même temps adorent le travail de Dolan (notamment dans ce dernier exercice), vous me feriez doucement sourire.
Vous ne vous rendriez pas compte, alors, que l'impulsion "artistique" originelle est rigoureusement la même.
C'est le fantasme d'une jeunesse maltraitée, incomprise, pas à sa place, qui revient quelques années plus tard en majesté, plus forte, et peut enfin regarder l'entourage, à l'origine de ses humiliations passées, avec hauteur, recul, et pourquoi pas un poil de condescendance.
Et avec un secret.
ll est important, pour tenir une revanche pas trop ostentatoire, d'avancer dans l'ombre. Superman se déguise en journaliste pataud, Spiderman en étudiant timide, Louis-Jean dissimule sa maladie, pas tant parce qu'il ne trouve pas le bon moment pour en parler
(cela dit, au vu de l'hystérie générale permanente de ceux qui furent un jour ses proches, il pouvait se douter que son moment de libération était impossible)
mais parce que cela lui confère cette petite supériorité qui lui permet de faire bien mieux qu'un simple connard en costume: il devient ce type avec un pagne et une couronne d'épine, les bras en croix.
Ce recul permanent, les yeux fermés, ce détachement, c'est celui de l'écrivain démiurge qui regarde s'agiter ces curieux animaux que sont les membres de sa famille, boulets nécessaires à son affirmation en tant qu'artiste. Et se murmurer, in petto: pardonne-leur ils ne savent pas ce qu'ils disent. Le tout baigné dans un halo de lumière glorieux. Le retour du fils pro-dingue.
Epargnez-moi, les gars, j'ai une famille à pourrir.
La famille des cons, posey
N'ayant pas vu la pièce, il m'est évidemment impossible de distinguer la part propre à Dolan dans ce métrage. Pour autant, pour avoir vu quelques-unes des ses autres œuvres, une scène comme celle du court voyage en voiture, embarquant les deux frères, me semble pouvoir être du Xavier pur-jus (voyez la fragilité de mon analyse: n'importe qui peut débarquer ici et démonter ma théorie en un clin d'oeil). En une seule unité de lieu, la scène ajoute de la complexité inutile au fouillis ambiant. En deux phrases, Antoine (l'ainé, incontinent de la parole) dit tout et son contraire avec une finesse d'écriture que pourrait mettre en exergue un auteur de blockbuster. Chaque personnage, hystérique ou pathétique, ne semble exister que pour confirmer sa caractérisation scénaristique.
Enfin, je ne peux qu'envier celles et ceux qui ont été transportés par un tel drame familial, tant les effets de mise en scène sont en permanence venus chez moi brouiller une possible émotion.
Le style psy du canadien (passé une intro immersive qui pouvait laisser espérer le meilleur) rend impossible une séance sans analyse.
Le film ressemble alors à un discours politique pratiqué par un maitre de l'esbroufe dont on peut chercher l'époque et l'origine: soit en nouveau maitre du monde fraichement élu (Dolan trompe), soit en vil successeur de Chirac à la marie de Paris (Xavier nous entube et rit).
Dans les deux cas, c'est moche comme une scène surjouée.