L’acier, le sang et les larmes

« L’acier a coulé dans nos veines » est un documentaire qui touche directement les Liégeois. Il rappelle à la fois la richesse du passé sidérurgique de la région et la complexité d’une industrie confrontée à un monde en perpétuelle mutation.

Ce film agit comme un miroir : il renvoie l’image d’un territoire qui a longtemps cru en son acier, parfois trop. À Liège, on a continué d’investir dans un secteur à bout de souffle, alors qu’il aurait fallu anticiper, diversifier, préparer l’avenir au moment où tout allait bien. Ce constat n’est pas propre à la Wallonie — d’autres anciens bassins industriels en France et en Europe ont connu le même sort — mais ici, l’acier, c’est plus qu’un métier : c’est une identité, presque une fierté viscérale.

Le documentaire le montre avec une intensité rare : les travailleurs liégeois avaient réellement l’acier dans le sang. Leur courage, leur passion, leur solidarité transparaissent dans chaque regard, chaque mot, chaque archive. On ressent toute la fierté, mais aussi la douleur immense de ceux qui se sont battus jusqu’au bout pour défendre leur outil de travail — en vain, mais avec une dignité bouleversante.

Mais le film ne s’arrête pas à la perte économique : il met à nu les blessures invisibles qu’a laissées la fin de la sidérurgie. Derrière la fermeture des hauts-fourneaux, c’est une détresse humaine profonde qui se révèle. Beaucoup d’ouvriers ont sombré dans la dépression, le burn-out, parfois même le suicide. Quand on a consacré toute sa vie à un métier, à un lieu, à une fierté collective, voir cet univers s’effondrer revient à perdre une part de soi.

Touchant, dramatique et profondément interpellant, le documentaire prend les accents d’une tragédie humaine et sociale. C’est à la fois un hommage et un avertissement : un cri du cœur pour ne pas oublier, et un rappel qu’aucune industrie, aussi puissante soit-elle, n’est éternelle — mais que la mémoire des travailleurs, elle, continue de couler dans les veines de la région.