L'Étrange Histoire de Benjamin Button par Cédric Le Men
Benjamin Button est un homme à part. Et pour cause : il est né vieux. Abandonné par son père, qui voit en lui un monstre, il est recueilli par une jeune femme de couleur, gérante d'un pensionnat pour petits vieux, qui considère cette anomalie comme un don divin. Mais, peu à peu, ce qui semble être un handicap apparaît comme quelque chose d'infiniment plus intrigant, lorsque le « jeune » Benjamin se découvre chaque jour plus fort, plus alerte, plus capable... Là où les pensionnaires de la maison de retraite où il vit se fanent et s'éteignent, lui rajeunit, embellit. Il décide alors de partir à l'aventure, malgré son amour pour la jeune et belle Daisy, afin de découvrir la vie qui s'offre à lui. Il fera la rencontres de personnages singuliers, tantôt amusants, tantôt déroutants, mais tous lui en apprendront un peu plus sur lui-même, lui permettront de se découvrir et de se gonfler d'expérience. Un destin remarquable pour un homme dont le cours de la vie prend le monde entier à contre-sens.
Après deux films anthologiques – Seven et Fight Club – et un Panic Room de sinistre mémoire, David Fincher semblait avoir fait le tour de ses expérimentations visuelles sans véritable intérêt et était retourné à un cinéma plus « brut de décoffrage » avec le brillant, bien que très long, Zodiac. Il parvient toutefois à créer la surprise avec cette Étrange Histoire de Benjamin Button qui, s'il reste ancré dans le fantastique, le cinéma de genre que Fincher chérit, n'en est pas moins un film dont le ton est plutôt éloigné du regard cynique de ses précédents travaux. Première bonne nouvelle : la présence au casting de Brad Pitt, auprès d'un des réalisateurs qui a fait de lui la star qu'il est aujourd'hui. Autre bonne nouvelle, du même acabit : la lumineuse Cate Blanchett dans le rôle de Daisy adulte, qui retrouve Pitt après le Babel de Alejandro González Iñárritu en 2006.
Un trio solide qui, renforcé par un casting de seconds rôles absolument parfait – on retiendra notamment l'hilarant Jared Harris dans le rôle du Capitaine Mike – et un travail à la lumière, signée Claudio Miranda, déjà présent sur les précédents films de Fincher, somptueux, nous livre un conte humain d'une étonnante justesse et d'une effroyable – car forcément triste – beauté. Le destin de ces deux amants qui se cherchent, s'évitent, s'unissent pour être, fatalement, désunis bon gré mal gré par leur nature. Un personnage dont la vie remonte le courant et qui, de façon étonnante, se montre infiniment plus sage que ses « pairs » en acceptant sa condition et en faisant des choix difficiles d'un altruisme sans faille. Pour lequel la mort, qu'il a côtoyé de près des années durant, est toute aussi naturelle que la vie et ne l'effraie absolument pas. Le tout forme un film incroyablement maîtrisé, tant sur son fond que dans sa forme et laisse présager du meilleur en ce qui concerne les futurs films du réalisateur, tant celui-ci gagne en maturité d'œuvre en œuvre – en supposant qu'il persiste dans cette mise en scène plus épurée.