Ozon n’avait pas les épaules

L’Étranger s’est ouvert à moi lorsque j’avais quinze ans, sous la forme d’un devoir scolaire que je devais résoudre. Rempli d’une grande flemmardise à son approche, j’ai pourtant été totalement happé par ce récit foudroyant sur la complexité humaine.

Et en découvrant cette adaptation, si je ne devais vous livrer qu’un seul ressenti, je dirais qu’Ozon n’a vraiment pas réussi son tir !

Pourtant, certaines fulgurances notoires en ressortent : Benjamin Voisin signe ici, incontestablement, son plus grand rôle, et le dernier quart d’heure du film s’avère littéralement grandiose !

Mais Ozon n’a pas su transposer l’essence même de ce qu’Albert Camus a pu écrire. Cela me paraît toujours un peu injustifié de comparer un livre à son adaptation cinématographique, mais ici, au vu de l’importance de l’œuvre, il est difficile de faire autrement…

Ozon tire sur la corde de l’adaptation pour créer un simple objet cinématographique, offrant par exemple au personnage de Marie une place plus importante que dans le roman mais qui s’avère finalement n’être qu’un objet de désir pour Meursault, voire pour le spectateur. Le film s’apparente trop souvent à une sorte de grande publicité sur la perfection plastique.

Mais le plus grand problème de cette adaptation vient de son manque de courage. On ne peut pas, selon moi, adapter un récit aussi politique que celui-ci tout en oubliant totalement de se confronter à son propos : cette Algérie colonisée et la position bancale qu’occupait Albert Camus lors de l’écriture de son récit.

L’art n’a pas nécessairement à être politique, sauf quand l’essence même d’une œuvre se révèle être un questionnement politique. Et lorsqu’on s’attaque à une œuvre pareille, on a presque l’obligation d’y apporter un point de vue.

Peut-être que certaines œuvres sont finalement intouchables.