Où pourrait-il se cacher le héros de L'homme des vallées perdues, si ce n'est dans la figure de ce petit garçon, visage en très gros plan, tête blonde de poupin, yeux angeleurs qui ne cessent de fixer la silhouette du cowboys, d'un regard empli d'admiration, d'attente, de respect. L'admiration inconditionnelle pour la figure d'un homme qui incarne le rêve du cowboys à l'état pur, l'image fantasmé de la classe incarnée, de la grandiloquence d'une allure, pistolet rentré dans sa ceinture, il apprend a tirer par le seul déployement de ces gestes.


Shane est pourtant ce cowboys qu'on ne voit jamais tirer, qui sans cesse, pose son corps longiligne, sa droiture sur le sol terreux, parmi les familles, les animaux et les paysans du grand Ouest. L'Ouest américain des petites vies prospères, où les cowboys ne tirent plus, mais simplement aident à rentrer le bétail et à nourrir les chevaux. C'est cette figure d'enfant, Joe au visage rond et voix angélique, qui sans cesse, attend dans le regard de Shane, que quelque chose se passe. Une action qui conduirait l'homme à s'exulter de lui-même afin de rentrer de plein pied dans l'action : celle des coups de poings et des pistolets, des coups de feu qui conduiraient au vacarme, au sang qui jaillirait, aux morts qui ainsi s'effriteraient, en ribambelle. C'est cette attente dans un regard d'enfant, sans cesse mêlée de peur, d'attente, d'espoir, d'admiration, de stupéfaction. Ce qu'il attend - l'action du cowboys comme seule condition valable - ne viens jamais. A la place, ce sont ces individus qui parlent et qui vivent, qui transpirent parmi les paysages déserts, sans cesse d'une beauté inégalable, parcelles de vides posées là au milieu du Far Ouest. Terres brunes, ocres aux ciels sans nuages, bleus, qui déversent leurs chaleurs sur les habitants exténués, épuisés.


Ce sont ces silhouettes regroupées les unes aux autres qui attendent qu'un mort s'enterre. Et cet enfant, accompagné d'un chien, buvant chacun des gestes de Shane, l'homme, celui par qui chaque regards extérieurs, chaque gestes, se retrouvent emplis d'une admiration candide, frêle, naïve. L'homme des vallées perdues, c'est l'histoire de cet homme qui arrête tout pour se consacrer à la terre, mais qui parviendra bien un jour par retrouver son origine profonde, inconditionnelle : celui de l'homme au combat, celui pour qui les poings, les coups de feu et les gisement de sang, font tout le sel des cowboys, les vrais. Et ainsi au western de retrouver sa propre consistance : celle, inégalable, du cowboys inséparable de son arme à feu, comme de son cheval.


Où pourrait-il se cacher, le héros de L'homme des vallées perdues, si, hypothétiquement, elle ne peut être dans la fine silhouette de ce chien, compagnon de toujours de l'enfant, ange aux cheveux blonds ? Ce que nous dit le film, c'est qu'il n'y a pas de héros, hormis ce titre évident et purement descriptif. Le titre anglais Shane, est le nom donné au cowboys du film, mais il pourait tout aussi bien être cet anti-héros moderne, incarnant la bonté stéréotypé du héros aseptisé. Bonté stéréotypée, le héros s'en dessert, puisqu'il finit par revenir à son besoin le plus primaire : celui de tirer au pistolet à feu, et de partir.


Mais quelle est-elle la figure stéréotypée du cowboys, dans le vaste univers du western, genre au stéréotype déjà vu et revu ? Beaucoup de questions pour rien, face à un film de plus, qui continuera d'exister parmi déjà tout les films vus et aimés.

Lunette
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les films vus (ou revus) en 2016 et JE VEUX VOIR DES WESTERNS

Créée

le 23 déc. 2016

Critique lue 559 fois

8 j'aime

Lunette

Écrit par

Critique lue 559 fois

8

D'autres avis sur L'Homme des vallées perdues

L'Homme des vallées perdues
JeanG55
8

Shaaane, Shaaane, come back

Georges Stevens fut plutôt un metteur en scène de comédies dramatiques dont en particulier le "journal d'Anne Franck". Engagé pendant la deuxième guerre mondiale comme cinéaste, il fut amené à filmer...

le 24 févr. 2022

16 j'aime

3

L'Homme des vallées perdues
Ugly
6

I'm a poor lonesome cowboy

Ce western reste légendaire malgré des défauts car il magnifie littéralement le personnage de Shane incarné par Alan Ladd (alors au sommet de sa gloire). Tout est vu à travers les yeux du jeune Joey...

Par

le 2 nov. 2016

14 j'aime

5

L'Homme des vallées perdues
menjartot
7

Shane

L'Homme des vallées perdues est un des meilleurs représentants des Westerns américains dits de la période classique. Tout les aspects en sont caractéristiques: À l'opposé des spaghettis, ou même des...

le 8 févr. 2012

13 j'aime

2

Du même critique

Ma vie de Courgette
Lunette
9

De la pâte à modeler qui fait pleurer

La question, d'emblée, se pose : comment trois bouts de pâte à modeler peut bouleverser à ce point le petit cœur du spectateur ? Comment une tripotée de grands yeux d'enfants fatigués et dépressifs...

le 27 oct. 2016

30 j'aime

Taxi Driver
Lunette
10

La radicalité d'un monde

D'abord, la nuit. La nuit avec ses rues glauques, ses voitures balayant les jets d'eau venus nettoyer les vitres sales. D'abord, la nuit. Avec ses putes à tous coins de rues, ses camés, drogués,...

le 2 mars 2015

28 j'aime

10

Bagdad Café
Lunette
8

Lumineuse ironie

Bagdad Café ou l'histoire d'une époque, de celle défroquée d'une Amérique souillée, paumée, au comble de l'absurde. C'est ce café qui ne sert plus de café parce que l'un des mec a oublié de racheter...

le 18 mai 2016

27 j'aime

10