Auto-parodie et utopie écolo-régressive

Coline Serrau a tout envoyé. Dans ces Visiteurs
à l'envers, elle prête son corps à la prophétie et incarne ce qu'en réac des ténèbres on prendrait pour une paysanne innocente et transparente jetée dans une métropole – alors que c'est une citoyenne ordinaire d'un monde débarrassé de tous les problèmes que nous sommes réduits à gérer. Forcément le modèle à suivre est une tribu du désert, qui a gardé (ou atteint ?) les pouvoirs télékinésiques propres à l'Humanité non entravée par les mauvaises religions, l'argent, l'industrie, le régime carnivore, l'individualisme, l'art capitaliste. Tout n'est pas à jeter de l'Histoire terrestre, pour une bonne raison : les génies balises ultimes (Bach et le Christ) viennent de chez eux !


Foire au cringe joyeux et volontariste, ce film est un aveu constant, pas nécessairement volontaire lui, de l'aspect démentiel et pire, régressif, de cet état de conscience ; après leur conversion par les ondes extra-terrestres, les deux inspecteurs de la DDASS sont abrutis, exactement comme des gens partis de bas et ramassés sous substance ; comment un esprit peut être assez malade pour voir là-dedans un progrès ? Une libération (sinon une équivalente à un suicide ou à de la narcotisation extrême) ? La plupart des gens « déconnectés » [de nos lourdes ondes de 'civilisés'], surtout vers la fin, deviennent carrément des zombies ou pantins idiots, parfois même sans sourire – ou servent à des mongoleries, telle la séquence de concert, peut-être censées amuser les enfants devant l'écran ? L'extra-terrestre des Inconnus est bien un échec, comparé à ce grand frère !


La contemplation poétique des 'choses de la vie' (la portée de chats, la tranche de salade) et la sympathie pour les 'underdog' viennent compléter le tableau ; dans ce dernier cas, la cible est une punk exaltée, probablement pas dans son état naturel – croyons-nous, aigris que nous sommes – sa simplicité l'a mise en contact avec la lucidité ! Il y a un plaisir, éventuellement coupable, à assister à toutes ces aberrations – et ce n'est pas qu'en dépit du film, car il a cette 'hauteur' un peu ridicule de l'auto-dérision. Les rêveurs en phase avec cet idéal riront aussi – probablement pas tant, par exemple pas devant ces « concerts de silence » (un sketch bouffon donnerait la même illustration), mais inévitablement devant l'attaque de cringe au Parc des Princes. Pour eux ce sera une revanche sur la masculinité toxique. D'autres seront médusés par cette tentative. Pour moi c'était comme voir Amazing Bulk décharger dans Dumb & Dumber.


Avec trente ans de recul, ce T'aime
roudoudou-lutionnaire a malgré lui pris une teinte agréable (ou inquiétante) : c'est le témoignage naïf d'une époque douce. Ce Paris monochrome, gris mais gentillet, est sans problèmes en-dehors des élémentaires de « l'ère industrielle » pacifiée (pollution, maintien de la hiérarchie, absence de souci pour la condition animale). Il y a encore de la place pour plusieurs futurs, pour du débat, pour des espoirs ou conflits politiques inspirants ; il n'y a pas le dépérissement interdisant toute perspective meilleure, sauf par le chaos, la douleur ou la violence.


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Zogarok

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