• Bonne nuit, Monsieur Boone.

  • Madame Lane. Si vous croyez que Brigade vous tirera d'affaire, faut pas y compter. Il ne va pas arriver jusqu'à Santa Cruz. Je dois le tuer.
    ...

  • L'arbre à potence. C'est vrai ce que Boone disait ? Monsieur Brigade, j'ai essayé pourtant, mais il y a des choses que je n'arrive pas à comprendre. À Dobe, quand Billy vous tenait en joue, Boone vous a sauvé la vie, non ?

  • Oui, madame.

  • Alors, pourquoi veut-il vous tuer maintenant ?

  • C'est ce qu'il vous a dit ?

  • Oui. Pourquoi ?

  • Il veut Billy.

  • Billy ? Autrement dit vous allez vous entretuer pour une prime, c'est ça ? Comme deux chiens sauvages qui veulent le même os.

  • Oui, dans un sens.

  • Ha ! Je vois !

  • Non madame, vous ne voyez rien.



La chevauchée de la vengeance réalisée par Budd Boeticher est un western qui m'a fasciné de par le sujet pourtant classique mais intelligemment mis en boîte qu'il présente via une véritable étude du comportement. Un western remarquablement dirigé pourvut d'une richesse dans les caractérisations des personnages qui offrent des interactions passionnantes avec des dialogues maîtrisés, essentiellement entre Ben Brigade (Randolph Scott) et Sam Boone (Pernell Roberts). Tout du long de l'intrigue, l'interaction entre les comédiens Randolph Scott et Pernell Roberts est parfait, apportant une véritable dimension à leurs personnages en apparence durs comme le fer et pourtant psychologiquement vulnérable et tragique.


Deux personnages faisant preuve d'un profond respect l'un envers l'autre qui n'ont d'autres choix que de faire équipe pour conduire le criminel Billy John (James Best) à l'échafaud, qui ils le savent, doivent être secourus par le grand frère "Frank" (Lee Van Cleef), appuyé de plusieurs hommes de main. Une alliance nécessaire qui masque un contraste bien plus obscur puisque Ben et Sam seront à la fin dans l'obligation de s'affronter dans un duel à mort, puisque chacun des deux hommes veut Billy John pour lui, pour des raisons intime et dissimulé au mépris des valeurs morales, qui découle de la motivation première des deux hommes. Un évènement tragique annoncé dès le départ, puisque les deux hommes remettent leur confrontation à plus tard, voulant faire équipe pour d'abord échapper aux Amérindiens ainsi qu'à Frank et ses hommes venus libérer le prisonnier.


Les deux comédiens principaux sont remarquables, la palme d'or revenant en toute logique à Pernell Roberts, qui propose avec Sam Boone un cow-boy charmeur et courageux avec un humour sinique ayant un rapport subtil entre le mal et le bien, voulant tourner la page pour vivre une vie moins périlleuse où le pistolet ne serait plus nécessaire. Un homme droit, fidèle à son propre code d'honneur. Randolph Scott, pour sa part, sous les traits de Ben Brigade ne démérite pas, seulement son personnage est bien plus sombre, impassible et autoritaire voulant masquer un sentiment de tristesse mêlée de rancœur, à cause d'une injustice du sort, ce qui fait que Scott est bien moins démonstratif et bien plus droit. Randolph Scott est plus charismatique que jamais à un point où on se demande s'il n'est pas lui-même un méchant. Les deux comédiens portent admirablement le film sur leurs épaules, même si c'est clairement la performance de Pernell Roberts qui laisse une marque indélébile au film.


Le reste de la distribution qui rejoint les deux personnages principaux sont d'excellentes factures avec Billy par James Best, James Coburn en tant que Whit le sympathique ami fidèle de Sam Boone et enfin la comédienne Karen Steele qui sous les traits de Carrie Lane offre un rôle de veuve efficace, partagé entre Sam Boone et Ben Brigade. L'actrice est visuellement attrayante et clairement convaincante dans ce rôle qui sert de moteur de découverte, puisqu'on découvre progressivement à travers ses yeux la complexité qui unit les personnages de Randolph Scott et de Pernell Roberts. Lee Van Cleef sous les traits du grand frère "Frank", incarne un méchant convaincant et complexe qui finalement n'est pas le grand meurtrier sans pitié qu'on imagine tout du long, proposant avant tout des alternatives au conflit final avec Randolph Scott. Malgré un temps d'écran très limité pour Lee Van Cleef, le cinéaste Budd Boeticher réussit un coup de maître en rendant sa présence omniprésente et pesante. Un danger de proximité invisible favorisant une atmosphère si lourde qu'on se retrouve dans un huis clos en plein air.


La chevauchée de la vengeance est un récit dense et intimiste qui malgré sa courte durée de vie (1h09), parvient à être d'une richesse étonnante. Le symbolisme emblématique du western est ici bafoué par une forme plus dure et plus humaine. L'intrigue secondaire autour des Amérindiens se conjugue parfaitement à l'intrigue principale qui ne manque pas d'intérêt avec deux twists (l'un vers le milieu du récit, l'autre sur la fin) qui surprennent allègrement. L'écriture est d'une subtilité étonnante venant parfaitement alimenter le casting extrêmement bien dirigé permettant ainsi de belles performances. La mise en scène est impeccablement exécutée avec des contrastes particulièrement saisissants autour des décors aux couleurs chaude et mortifère, notamment autour de l'arbre funeste et morbide qui sert efficacement de terrain de jeu à l'affrontement final. La composition musicale d'Heinz Roemheld sans être exceptionnelle permet des envolées lyriques intéressantes. Le dernier plan sur l'arbre à potence en flammes est fascinant.


CONCLUSION :


La chevauchée de la vengeance réalisée par Budd Boeticher est un western intense qui malgré son minimalisme est d'une redoutable efficacité. Une mise en scène implacable d'une intelligence sans failles superbement suivie par une écriture surprenante et des comédiens fascinants. Que ce soit dans la forme ou bien dans le fond ce western livre un magnifique résultat qui découle d'une association qui fut à de nombreuses fois fructueuses entre Budd Boeticher et Randolph Scott.


Un western habile et envoûtant à découvrir sans perdre de temps.

B_Jérémy
9
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes « WESTERN ! » : classement du meilleur au pire des films du genre et Les légendes du western 2 : Randolph Scott

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le 7 mars 2021

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