Je n'attendais rien. J'avais juste envie de me faire une toile après une longue journée de travail. Je voulais mettre mon cerveau sur "off" et le poser sur le siège à côté de moi. Décompresser. Et ne surtout pas réfléchir.


Avec un titre pareil, La Chute de Londres, cela aurait pu être une bande de terroristes français qui auraient décidé de détruire Londres en représaille de l'abominable et injuste déception que fût la défaite face à la méchante Angleterre pas bien qui a triché honteusement pour obtenir l'organisation des Jeux Olympiques de 2012. C'aurait été bien fait pour eux, ces saloperies de bouffeurs de gelée. Et cela aurait pu être rigolo à voir, à terroriser la population en lançant des claquos bien puants et à passer à tabac les survivants à coups de baguettes aussi dures que des battes de baseball. Ou à essayer d'empoisonner les réserves d'eau potables en y noyant trois ou quatre roqueforts. Rien de tel pour en finir vite et ainsi mettre à genoux une population ennemie.


Mais La Chute de Londres est bien plus classique, voire vintage, dans son scénario. Et c'est l'occasion de se rendre compte que les Américains, bein, c'est bien les plus nuls en géographie, car pour aller à Londres, ils passent par le Moyen-Orient et par Washington. C'est aussi les plus nuls en médecine, parce que figurez-vous que le premier ministre anglais, il meurt d'un arrêt cardiaque après une opération du genou en service gériatrie. C'est presque à douter de l'utilité de l'Obama-care cette histoire, tiens.


Mais je m'égare. La Chute de Londres est un honnête spectacle pour celui qui ne cherche pas plus loin, à part le plaisir immédiat procuré par une horde de terroristes sulfatés et une ou deux poursuites rondement menées. Puis le film est réaliste et très ancré dans son époque. La preuve ? La chancelière allemande est une femme, le président italien est un vieux con qui privatise Westminster pour draguer une jeunette, le président français (Jacques Mainard ! MAINARD !! M-A-I-N-A-R-D !!!) a la prestance d'un Flamby et le président des Etats-Unis, bah, c'est Aaron Eckhart. Dommage seulement que Gerry, même s'il ne démérite pas, ne renoue pas avec le charisme du Léonidas de 300.


Le spectacle, cependant, est assez agréable sur le moment. Il offre le quotas de morceaux de bravoure, de what-the-fuck et de violence décomplexée assez frontale, même si le sang ne coule pas à flots. Peut être pour éviter le grand-guignol. En tout cas, cela ne nuit pas au film. Pas plus que certaines ellipses coupables ou de menues invraisemblances typiques de ce genre de films.


Le plaisir est immédiat, c'est évident. Mais pas sûr qu'il en reste grand-chose après la sortie de la salle. Et puis, même mes deux derniers neurones valides en léthargie réparatrice, je n'ai pu m'empêcher de penser que La Chute de Londres, c'était un film typique des années 80 que l'on avait travesti à la hâte avec l'air du temps. Comme on kidnapperait dans la rue une mémé-shampoing pour lui tirer la peau de manière sauvage afin de la faire passer pour une trentenaire maquillée et photoshopée. Car le film, au final, c'est un seul homme qui dégomme le monde entier, dans la plus pure tradition de l'action surannée. Les cartouches sifflent et pleuvent. A en devenir un véritable shoot'em up. Le héros est invincible et le méchant est clairement identifié. L'air du temps, lui, c'est cette menace globale du terrorisme qui concerte à grande échelle ses coups d'éclats médiatisés pour répandre la peur. C'est de l'arabe bien basané qui arrive à infiltrer les forces de police ou les services d'urgence au nez et la barbe de la sécurité nationale qui a du caca dans les n'yeux. C'est aussi la médiatisation des exactions, un léger état de choc et une tentative de décapitation en mondovision comme chez la marque de lessive qui a raté sa vocation et qui lave plus rouge que blanc.


Mais La Chute de Londres se trahit par son intrigue ultra basique et sa célébration du surhomme patriote indestructible qui, a lui seul, arrive à défaire l'armée de maghrébins belliqueux. Sans sourciller. Sans un éclat de rire. C'est aussi un objectif final d'un autre âge, une image périmée : celle de porter atteinte à la vie de l'homme le plus important du monde : le fier président des Zétazunis. Celui que si on le zigouille, on met le monde à genoux et qu'il capitulera parce que vraiment, les méchants gars, ce sont les plus forts parce qu'ils ont réussi à avoir sa peau. Si le film évite l'apologie outrancière de la bannière étoilée dans les mains d'une petite fille qui le porte haut et fier, comme dans White House Down et ses débordements typiquement Emmerichiens, il ne peut s'empêcher d'exalter les valeurs habituelles : le courage, le sacrifice, la résistance à l'oppression, l'interventionnisme, la famille. Il lâche en ce sens quelques punchlines pas piquées des vers.


Si le spectacle, honnête et efficace, est au rendez-vous, difficile de prendre au sérieux cette Chute de Londres aujourd'hui, dans un tel contexte de peur latente, d'état d'urgence et de violence contenue. Difficile de voir une scène d'action tout droit tirée d'un clone de Call of Duty, où la violence décomplexée pointe le bout de son nez, quand les images de morts aveugles, brèves et sèches, de terreur dirigées contre des victimes anonymes sont encore dans toutes les têtes.


La réalisation n'est pas non plus à blâmer. Loin de là. La Chute de Londres est seulement le produit entertainment et un peu outrancier de son époque. Un film d'action vintage à peine remis au goût du jour, essayant en vain d'émuler le climat de peur, l'ennemi ou les images choc actuelles de manière malhabile. Même si j'ai obtenu ce que j'étais venu chercher : de la détente, de l'action, une déconnexion totale. J'ai failli oublier de reprendre mon cerveau en sortant, c'est dire...


Behind_the_Mask, bipolaire.

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le 2 mars 2016

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