"La couleur de la victoire" (titre français crétin indigne de l'idée originale, simple et géniale, d'appeler le film "Race") pose au spectateur un dilemme relativement peu fréquent : on a ici affaire à un sujet extraordinaire - et qui plus est à nouveau essentiel en notre monde secoué par des convulsions extrémistes - traité avec une absence de talent confondante ! Et malgré la mise en scène conventionnelle au point d'en être grotesque, malgré les rôles principaux attribués à des acteurs incompétents, mal choisis et jamais crédibles, malgré l'absence totale d'idées de cinéma quand il s'agit de filmer une course de vitesse, "La Couleur de la Victoire" emporte régulièrement notre adhésion, soulève même notre enthousiasme lorsque toutes ces insuffisances apparaissent littéralement comme des détails face à la force du récit. La belle idée - plutôt courageuse en ces temps de réaction "trumpienne" aux USA - ici est de montrer que les Nazis n'avaient pas en 1936 l'apanage du racisme, voire du fascisme ségrégationniste, et que l'Amérique n'avait de leçons de morale démocratique à donner à personne. C'est la jolie surprise de ce film par ailleurs empesé, empêtré dans une représentation "historique" sans doute limitée par un budget insuffisant et enlaidie par des effets digitaux grossiers : la grandeur de la démonstration de force nazie en est évidemment pénalisée, ce qui prive quand même "la Couleur de la Victoire" de cet élément essentiel à son récit qui aurait dû être la peur inspirée par la montée d'un totalitarisme barbare. C'est alors au seul personnage de Goebels (Hitler étant lui même quasi invisible ici, ce qui lui confère une dimension iconique pour le moins maladroite...), très bien incarné d'ailleurs, de représenter à lui seul l'abjection nazie. Au final, c'est grâce à ce genre de détails bien vus (comme également le personnage ambigu, entre veulerie et sursauts d'honneur, interprété par Jeremy Irons) que le film gagne son pari de nous intéresser et de nous faire réfléchir. Voici donc un assez mauvais film qu'il convient pourtant de recommander à tous, et bien entendu aux plus jeunes qui en savent peu sur la terrible histoire du XXeme siècle. [Critique écrite en 2016]

EricDebarnot
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le 31 juil. 2016

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Eric BBYoda

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