"La femme la plus riche du monde" : inspiré de l'affaire Banier-Bettencourt... Et très inspiré, quand bien même le cinéaste réalise un film de fiction ! Marianne (Isabelle Huppert) est la plus riche femme du monde, héritière du plus grand groupe mondial de cosmétiques. Portant un autre nom que "L'Oréal", il en est la transposition cinématographique. Marianne tombe sous le charme de Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte), photographe et écrivain en quête de reconnaissance. Marianne est immédiatement sous l'emprise de l'artiste, homme vénal et fantasque. La femme vieillissante et grande bourgeoise éteinte, connaît alors un sursaut de vie, et probablement pour la première fois la joie de vivre. Perd-elle ses facultés mentales, se rend-elle compte qu'elle est dépossédée de tout libre arbitre, se convainct-elle qu'un bonheur, même artificiel, justifie qu'elle fasse à Pierre-Alain des dons colossaux (après tout "elle le vaut bien" !) ? Les deux acteurs principaux sont formidables comme à leur habitude : Lafitte incarne délicieusement un odieux personnage flatteur, efféminé, vulgaire, graveleux, provocateur et manipulateur mais aussi ridicule (notamment sur son vélomoteur) ; Huppert joue magnifiquement une femme manipulée qui est pour une part consentante. L'abus de pouvoir est révélé et dénoncé par le majordome, excellent Raphaël Personnaz, ainsi que par la fille de Marianne, non moins excellente Marina Foïs. On est chez les ultra-riches qui vivent dans une bulle, hors des contingences des gens ordinaires (ils résident dans de riches propriétés et dans le grand luxe) ; Marianne ignore que pour obtenir une boisson dans un distributeur, il faut y glisser une pièce de monnaie! Chez ces gens-là, l'argent et l'amour sont intimement et perversement liés. La fille de Marianne, plus qu'elle ne redoute d'être dépossédée, est en quête d'amour d'une mère indifférente qui lui assène calmement et violemment qu'elle ne sait pas si elle l'aime. Le majordome, qui fait preuve d'une indéfectible loyauté et d'une parfaite honnêteté, est un personnage intéressant, en partie énigmatique ; on ignore qui il est fondamentalement. Un dispositif cinématographique original : les personnages apparaissent successivement à plusieurs reprises sur fond noir, chacun livrant son regard sur la situation. 2 heures d'un excellent cinéma !