Librement inspiré de l’affaire Banier – Bettencourt (mais néanmoins très fidèle à ce qu’on en sait), La Femme la Plus Riche du Monde (LFLPRDM) est une comédie sociale version ultra-riches, un drame bourgeois corrosif et féroce, aux accents Chabroliens assumés. Outre Isabelle Huppert, muse du réalisateur de La Cérémonie, on retrouve ce ton sarcastique avec lequel Chabrol croquait l’hypocrisie des puissants avant de dynamiter leur monde par l’irruption d’un élément extérieur perturbateur. Ici, l’élément perturbateur s’appelle Pierre-Alain Fantin, photographe fantasque à la réputation de gigolo sulfureuse, dont s’entiche l’héritière et femme d’affaire milliardaire, lui finançant ses lubies artistiques et troquant des chèques de banque contre de l’attention et un peu d’amusement. Dans la peau de Fantin, Laurent Lafitte s’en donne à cœur joie, bouffant l’écran, vampirisant l’espace à l’image du personnage grotesque et exubérant qu’il interprète. Vaniteux, vulgaire, manipulateur et en même temps fascinant d’aisance et de culot, c’est un matériau en or pour Lafitte, qui livre une performance exceptionnelle et unique méritant à elle seule le détour.
Servis par des dialogues finement écrits, parfois piquants, parfois outranciers mais toujours savoureux, lui et Isabelle Huppert se régalent, déroulant avec malice une partition jubilatoire.
Si la réalisation de Thierry Klifa est assez quelconque, son scénario est suffisamment habile pour aborder un grand nombre de thèmes sans se perdre pour autant. La relation mère-fille, le passé familial honteux sous Vichy, l’abus de faiblesse, l’héritage. Le traitement pourrait être caricatural, il l’est par moment de manière assumé, mais Klifa mais parvient aussi à faire émerger de l’humain, à travers les personnages secondaires, très réussis, du mari discret et secret joué par l’excellent André Marcon au majordome qui en sait plus qu’il ne devrait, incarné avec beaucoup d’élégance et de nuances par Raphaël Personnaz, à la fille inquiète et délaissée, très juste Marina Fois (pléonasme). Ces personnages existent pleinement, au-delà de la farce et du Lafitte show.
Le choix d’intégrer des témoignages face caméra sur fond noir, en mode true crime, comme pour rajouter de l’authenticité, fonctionne étrangement bien — sorte de contrepoint sobre à l’extravagance générale. Et la très jolie musique d’Alex Beaupain, ne gâche rien.
La Femme la Plus Riche du Monde est ainsi drôle, grinçant et diablement divertissant. Il le doit grandement à son acteur principal, mais existe aussi lorsqu’il n’est pas à l’écran, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités.