Tourné pendant la guerre et terminé après l’armistice, La Fille du Puisatier porte forcément les marques de son époque. Marcel Pagnol intègre cette situation au récit : on sent la gravité du moment, notamment lorsque les personnages écoutent, le regard vide, le discours de Pétain annonçant la défaite.
Il n'est pas spécialement insistant sur le sujet, c'est souvent en arrière-plan, il montre plutôt comment cette guerre puis défaite s’invite dans le quotidien.
On retrouve tout ce qui fait la patte de Pagnol : la Provence et sa lumière, les accents, les dialogues pleins de verve et de vérité. C’est un cinéma très humain, fait de petites choses, de silences, de gestes. Le film mêle habilement drame social et comédie, avec ce ton à la fois tendre et drôle qui rend ses personnages si attachants. Raimu est formidable en père fier et têtu, partagé entre la honte et l’amour pour sa fille. Sa scène face à la mère du jeune homme, où la fierté se heurte à la douleur, est d'une grande justesse, et émouvante.
Fernandel, lui, apporte de la légèreté. Ses scènes avec la voiture, son air malicieux, son rythme comique impeccable, donnent de l’air au récit lorsque c'est nécessaire et rappellent que chez Pagnol, la vie continue toujours entre deux drames. Sa mise en scène est simple mais pleine de relief, où chaque plan respire la vérité, le quotidien, ceux qui bossent vraiment, et ceux qui profitent du travail des autres (très bon Fernand Charpin là aussi).
Seul regret : la dernière partie, trop rapide, où tout se résout presque mécaniquement, clairement, ça manque de consistance. Mais malgré cette faiblesse, La Fille du Puisatier reste un beau film, sincère, chaleureux, et profondément humain. On y sent à la fois la douleur d’une époque et l’amour du réalisateur pour l'humain et sa terre.