Renoir filme les relations humaines comme personne. Foi de Raf, il n'a jamais vu des dialogues si travaillés et pourtant si désarmants de naturel. L'émotion, le sentiment, la pensée se manifestent toujours avec une simplicité magique, sans rien sacrifier aux nuances. Un Hymne à la chaleur humaine ! Personnages, acteurs, réalisateurs et spectateurs partagent le plaisir simple d'être réunis.
Aujourd'hui ce film choque. Les 70 ans de films bellico-carcéral ont gravé sur nos rétines des images peu engageantes : gardien tortionnaire, archétype de l'amitié virile, folie humaine, mal originel, enfin jamais le sentiment ne choisit le verbe pour s'exprimer. Ici c'est tout l'inverse et le talent de Renoir donne envie d'y croire.
Deux idées animent ce film.
La première, c'est la bêtise de ces barrières qui divisent les hommes. Nation, hiérarchie, langue ne sont qu'arbitraire et absurde. L'entente entre gardiens allemands, prisonniers français et russes frappent les esprits. Seule la volonté de quelques puissants déchaine la haine entre les hommes.
Une vision sacrément humaniste ? Excès de niaiserie ? Difficile de percevoir avec justesse ce film après tant de violence véhiculée au 7ème art.
La seconde idée vient contrarier la première. Le fossé de la classe sociale reste. L'ouvrier et le noble, l'officier de carrière et le promu. Maréchal et De Boëldieu vivent une entente franche et cordiale. Pourtant, comme le comprendra Maréchal, ils ne font pas partie du même monde. A l'inverse Von Rauffenstein reconnaîtra immédiatement son alter-ego en dépit de tout le reste.
Enfin n'oublions pas le simple talent de metteur en scène. Le jeu d'ombre du noir et blanc est magnifique.La célébration de noël est l'une des plus belle scène du cinéma : belle et vraie.
PS : ce fossé entre les classes me rappelle le Guépard et la scène où le Père Pirrone tente d'expliquer en quoi diffère les nobles et le peuple.