La maison aux 7 pignons, la maison Turner, est une demeure coloniale qui se dresse à Salem, dans le Massachussets. L’écrivain Nathaniel Hawthorne (auteur de nombreux romans et nouvelles à caractère fantastique ou historique, comme La lettre écarlate), familier de la demeure, est frappé par le caractère fantastique qui s’en dégage. Fasciné par le surnaturel et la sorcellerie ( un de ses ancêtres ayant été juge au procès des sorcières de Salem), il écrit en 1851 un roman gothique inspiré par les lieux.


L’histoire, totalement romancée, est celle de la famille Pyncheon, qui habite un manoir du XVIIème siècle sur lequel plane une sombre malédiction. L’ancêtre, le Colonel Pyncheon a en effet spolié une famille de paysans, les Maules pour les chasser de leurs terres et bâtir la demeure. Le vieux Maule a alors maudit le Colonel et toute sa descendance, avant d’être condamné et pendu pour sorcellerie.
Il semble ainsi que la maison est dotée d’une vie et d’une forte capacité de nuire. Ayant été par le passé le théâtre d’activités de sorcellerie et de morts suspectes, elle exerce une attraction magique sur ses occupants, les empêchant de quitter les lieux. La famille se déchire aujourd’hui pour sa possession.


Lorsque le roman est adapté au cinéma en 1940 par le réalisateur autrichien Joe May, plusieurs libertés seront prises avec l’œuvre d’Hawthorne. Le film a tout d’abord entièrement gommé l’aspect surnaturel de l’histoire où la maison, véritable personnage, exerce une telle emprise que ses membres sont prêts à se déchirer pour elle, que l’un d’entre eux ira jusqu’au meurtre et en fera accuser son cousin.


L’histoire est centrée sur trois personnages, Clifford, sa cousine et fiancée Hepzibah (prénom fort rare qui sera répété très souvent tout au long de l’histoire) et un autre cousin, Jaffrey.
Suite à la mort de leur oncle, les cousins se disputent sur le devenir de la demeure. Clifford et Hepzibah envisagent de se marier et de quitter enfin le manoir en le mettant en vente, tandis que Jaffrey montre un attachement étrange pour la maison dans laquelle il n’a jamais vécu. On découvrira plus tard la raison de son acharnement à s’approprier les lieux. Le fourbe Jaffrey fait accuser son cousin du meurtre de son oncle.


Hepzibah, refusant de partir, va s’enfermer, volets clos dans la demeure. Gardienne des lieux, elle va inlassablement attendre son fiancé, mis en prison pour vingt ans.
Telle Miss Havisham dans De grandes espérances de Charles Dickens, restée enfermée dans son château, Hepzibah demeurera tel un fantôme des lieux tandis que les années passant sur la demeure, cassent les volets et envahissent le jardin de feuilles mortes. Mais la solitude de l’héroïne est brisée un jour par l’arrivée d’une jeune parente devenue orpheline, Phoebe. Véritable rayon de soleil, elle va illuminer le sombre manoir de sa présence. Pendant ce temps, dans son cachot où il passe son temps à l’écriture, Clifford voit un jour arriver un co-détenu, descendant de la famille Maule. Devenus amis, les deux hommes vont préparer leur vengeance.


Le film est centré tout entier sur le personnage d’Hepzibah, magnifiquement interprété par Margaret Lindsay ; sa métamorphose de jeune fiancée radieuse en vieille fille aigrie est saisissante et certaines scènes sont très émouvantes, comme celle du retour nocturne de Clifford dans la maison silencieuse.
L’interprétation des deux personnages masculins est également impeccable, le fourbe George Sanders, élégant et cynique et le gentil Vincent Price, émouvant en innocente victime et que l’on verra même (chose rare) en jeune amoureux chantant (au début de l’histoire seulement, vous l’avez compris).


On retiendra aussi la belle photographie de Milton R. Krasner, magnifiant le noir et blanc dans de très belles scènes : la demeure aux volets démantibulés, battant par grand vent, le clair- obscur dans plusieurs scènes à l’intérieur de la maison et le contraste avec des lumières vives lors des périodes heureuses de la vie des héros.
N’oublions pas non plus la musique de Franck Skinner et la magnifique mélodie chantée au début du film par Vincent Price. Franck Skinner fut nominé aux Oscars pour la meilleure partition originale (mais il fut dépassé par Pinocchio pour l’obtention de la récompense).


Film à tort tombé dans l’oubli, La maison aux sept pignons est une œuvre magnifique et étrange qui laisse ému et nostalgique.

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le 5 juin 2018

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m-claudine1

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