Classique hitchcockien. Thriller obsessionnel, suspense troublant. Espion, 'la mort nous va si bien'

Il m’est aujourd’hui difficile de poser et de peser mes mots sur « La Mort aux trousses ». Je l’ai découvert lorsque j’étais adolescent, et c’est vrai, les films que l’on découvre tôt sont révélateurs du cinéma que l’on va aimer plus tard.
En d’autres termes, il fait partie de mon Top 5 d’Alfred Hitchcock. En pole position, « Sueurs froides/Vertigo », en deuxième position « Psychose », la troisième place revient à « Fenêtre sur cour » et les quatrièmes et cinquièmes places sont difficiles à évaluer : arrive donc ledit film et « L’homme qui en savait trop », la version avec Daniel Gélin.
Il s’agit donc, pour moi, de l’un des meilleurs Hitchcock, assurément !


Synopsis : un publiciste new yorkais se retrouve embrigadé, bien malgré lui, dans une affaire d’espionnage bien plus sombre qu’il n’y paraît. Une organisation secrète veut le supprimer, la police des Etats-Unis le poursuit pour accusation de meurtre sur un ambassadeur des Nations Unies. Le publiciste se lance dans une enquête sans retour… !


Obsessionnel et troublant, « La mort aux trousses » trouve bien son nom.
Obsessionnel car l’on suit une enquête menée tambour battant par ce fameux publiciste (Cary Grant) qui se retrouve mêlé à une affaire d’Etat, un complot et à des aventures qui pourraient arriver à vous comme à moi. Obsessionnel car, en quête d’identité, entre faux-semblants et réalité, le fameux enquêteur endosse un rôle à contre-emploi de son métier qui est d’être respecté et respectable. Dans l’honneur. En cinq minutes, son monde dégringole et veut, à tout prix, la vérité, la vraie. Invraisemblable, mais pourtant bien réelle, cette poursuite d’identité est donc obsessionnelle pour permettre à cette personne d’honneur de retrouver un semblant de paix.
Ce scénario obsessionnel hitchcockien est ainsi inspiré d’une affaire d’espionnage d’après-guerre (1939-1945).
Troublant également, « La mort aux trousses » distille une tenue de suspense comme jamais ! La tension nerveuse ne faiblit jamais pendant deux heures. La mort peut arriver tout le temps, à n’importe quel endroit, à n’importe quel lieu, par un accident de voiture, un avion qui vous fonce dessus ou dans un compartiment de train mal surveillé. La tension nerveuse est ainsi à son comble. Troublant car le rythme est frénétique, enivrant. Troublant, car il y a construction d’un puzzle d’énigmes où la culpabilité règne.
Le suspense est gardé, tient la route, ne bat pas de l’aile et file à toute vitesse, comme le train dans lequel est embarqué ‘notre ami’ Cary Grant. Car c’est bien lui, finalement, le héros auquel on s’identifie aisément.


Le Maître du Suspense saupoudre un thriller obsessionnel et troublant dans lequel les scènes cultes s’additionnent : la rencontre de Cary Grant avec Eva Marie Saint, l’attaque de l’avion dans le désert, le final au Mont Rushmore pour ne compter que celles-ci. Mais tout cela n’est qu’un prétexte pour faire valoir sa technique de la mise en scène. C’est ici une leçon de cinéma à part entière tant l’alchimie entre le suspense et sa virevoltante caméra ne font qu’un.
Avec cette expérience exaltante, le réalisateur du « Crime était presque parfait » trompe son monde, et grâce à sa technique révolutionnaire que de concocter un thriller moderne, arrive à insuffler un souffle nouveau grâce à ces décors (train, avion, désert de mort -chaud en plaine et froid en altitude) ajoutant autant au pastiche qu’à un révélateur de peur où poursuites et fausses pistes, sans un dialogue de trop, sont les maîtres mots du cinéaste Hitchcock.


Vous l’avez donc compris, l’ambiance filmique est sous tension.
Le générique vert de Saul Bass -Otto Preminger décèle ses talents (« L’homme aux bras d’or », « Bonjour tristesse »), reste fidèle à Hitchcock, Kubrick, et termine sa carrière avec Scorsese- met dans l’ambiance et permet d’instaurer cette non-bouffée d’oxygène pendant deux heures.
La musique de Bernard Herrmann rajoute au panache. Comment oublier ces violons ? Comment penser à « La mort aux trousses » sans ce début dissonant qui ne fait que s’accentuer au fur et à mesure de l’avancement de l’intrique ? Eh bien, tout simplement, on ne peut pas ! Découvert par Orson Welles sur le fameux « Citizen kane », notre Bernard Herrmann international a écrit les scores du « Jour où la terre s’arrêta » de Wise, ceux de « L’égyptien » de Curtiz, de « Jason et les Argonautes », … et est devenu par ces thèmes récurrents et inventifs le Suiveur attitré du metteur en scène de l’inquiétant « Les oiseaux ».
Deux collaborateurs hitchcockiens pour une mise en ambiance délectable, détestable, gouleyante et distrayante.


Pour ainsi dire, la mise en scène de Sir Alfred Hitchcock relève du génie à l’instar du couple de légende Cary Grant/Eva Marie Saint qu’il dirige. Une main de maître pour un coup de baguette de la part d’Herrmann. Coup de chapeau, Monsieur le réalisateur.


On a également affaire à un film d’espionnage de haute volée.
Loin du film noir à l’américaine (je pense au « Grand sommeil », à « Règlements de compte », à « Assurance sur la mort »), « La mort aux trousses » peut se targuer d’être, à bien des égards, une révolution dans le film d’espionnage où l’enquêteur, ici un directeur d’agence de publicités, n’est pas encore un journaliste ou un agent d’une organisation (CIA, MI6, KGB…). Il n’est question ici que de Nations Unies, et c’est vraiment à partir de ce point que le film devient véritablement un film d’espionnage.
De plus, la Guerre froide est plus qu’évoquée (avant le final sur le Mont Rushmore). Cela renforce l’identité générique du film comme un film d’espionnage où le contre-espionnage (ce fameux Monsieur Kaplan) confirme l’aspect d’un film-enquête et qui prévaut les premiers ‘James Bond’ de Terence Young. En cela, Alfred Hitchcock anticipait son basculement de carrière dans l’espionnage pur et dur (« Le rideau déchiré », « Frenzy ») alors qu’il s’agit ici, et encore pour toutes ces raisons, d’un thriller moderne par l’utilisation d’une ambiance obsessionnelle inventive et intuitive.
Thriller qui a ainsi l’art de se transformer en film d’espionnage au gré des envies du cinéaste. On se promène de genre en genre pour son plus grand plaisir. Ca, c’est vraiment l’art d’être un metteur en scène et un artisan-faiseur du cinéma.
Dire d’Alfred Hitchcock qu’il s’agit donc d’un des plus grands metteurs en scène de tous les temps n’est que récompense au vu de la qualité de sa filmographie et de la carrière qu’il s’est forgée.


Le metteur en scène du triomphal « Rebecca » convoque et dirige, pour les besoins de « La mort aux trousses », une troupe en or.
Eva Marie Saint, blonde hitchcockienne par excellence, est sublimissible à souhait. Jeune et naïve, femme fatale, elle prend sous ses filets Cary Grant. Un rôle inoubliable pour une partition en or. J’en jubile encore ! Mais qu’elle était belle …la Romy d’Hitchcock (oui, pour moi, Eva Marie Saint a ce charme que la Bellissima possédait). Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle pour Elia Kazan (« Sur les quais »), elle varie ensuite les plaisirs : « Exodus » d’Otto Preminger, « Grand prix » de Frankenheimer, la série « Titanic » de 1996.
Cary Grant rentre dans la peau de cet enquêteur au charme maladroit. New yorkais élégant, il a l’art de sauver sa peau. Comme James Bond. Avec de l’humour. Avec tact, de la classe et de la nonchalance. Cary Grant en James Bond ? Je crois que je ne l’aurai pas renié, ça, c’est sûr et certain ! Pour lui, à son actif et en sa mémoire : « L’impossible monsieur bébé », « Arsenic et vieilles dentelles », « Les enchaînés » du même réalisateur, … .
Quant aux méchants, antipathiques au possible, Hitchcock dira toujours d’eux : « Plus ils sont méchants, plus on les retiendra. » Martin Landau campe un homme de main dans un premier temps suppléé ensuite par James Mason dirigeant cette fameuse organisation secrète. Dans l’un de ses premiers rôles, Landau tournera dans la série « Mission impossible » puis « Ed Wood » le verra oscarisé. Figure incontournable du cinéma, Mason incarna Flaubert dans « Madame Bovary », Rommel pour Hathaway, Brutus chez Mankiewicz, Nemo dans « 20 000 lieues… », Joseph pour Zeffirelli … .
Avec, en prime, le caméo d’Hitchcock au début du film, lorsqu’il veut monter dans un bus. Un régal, puisqu’il s’énerve contre le chauffeur !


Pour conclure, « North by Northwest »(1959), légende et classique intemporel du septième art, est un incontournable d’Alfred Hitchcock alors à son apogée.
Chef d’œuvre !
8 étoiles sur 10.


Spectateurs, si vous préférez Julien Clerc, « Où s’en vont les avions ? »

brunodinah
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le 27 nov. 2021

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