J’ai beaucoup de mal à comprendre les critiques dithyrambiques reçues par le film à sa sortie. La Pampa pâtit d’un manque de limpidité dans sa construction narrative en superposant les « arcs » émotionnellement lourds : l’adolescence en crise, le deuil, l’envie de fuir son bled pour la « ville », la toxicité de la figure paternelle, et parce que le réalisateur semble vouloir en faire un sujet : l’homophobie criante et violente dans les campagnes. J’ai rarement vu un film aussi peu subtil sur la question avec son lot de figures caricaturales à souhait entre la bande de bouseux débiles et puceaux, et un père/Damien Bonnard empêtré dans des mines et des postures de poivrot dépressif à l’autorité déclinante que l’on a vu et revu des dizaines de fois au cinéma (Gilles Lelouche dans Nos enfants après eux m’est aussitôt revenu). Certains personnages ne semblent ainsi exister que pour le message ou le symbole qu’il semble porter, comme les personnages féminins avec la mère de Willy aimante et compréhensive malgré la situation difficile que traverse son fils (bref, le roc maternel), et Marina, petite bourgeoise et étudiante aux Beaux Arts à Angers, censée représenter cette envie d’aller en « ville » où l’on organise des fêtes à 150 dans un appartement (vraiment, à quand des soirées étudiantes réalistes au cinéma ?).
Monté crescendo, trop vite, trop fort, l’intensité du drame se dilue dans un empilement de trames et en oublie l’essentiel : s’intéresser à ses personnages, à cette intense amitié qui lie les deux rôles principaux, à la relation trouble entre Jojo et son coach (Artus) au statut mal défini alors qu’il est pour moi le personnage le plus intéressant du film, celui qui a peut-être le plus de chose à dire sur cette tension entre ses désirs cachés et la conformité que l’on se doit d’afficher pour être respecté. Le suicide de Jojo, dans la chambre de ses parents me semble vraiment grossier, comme s’il fallait à tout prix en arriver à un drame, à une mort pour qu’avance la machine narrative focalisée sur Willy. Quand bien même l’homophobie est présente en zones rurales (comme partout d'ailleurs), le traitement qu’en fait le film me pose vraiment question dans sa manière de prendre les campagnards pour des intolérants décérébrés, et de considérer l’homosexualité et sa révélation comme une catharsis dramatique qu'il est impossible d'aborder normalement, sans excès. Mais puisqu’elle y est, qu’en fait-on de cette mort ? Rien, absolument rien. On l’évacue en deux, trois scènes d’enterrement sans intérêt et puis c’est tout, on continue de réviser son bac et on se casse dans la métropole la plus proche pour fuir cette campagne merdique, homophobe et sûrement raciste. Bref, de quoi encore nourrir le clivage.