La Prisonnière du Désert (The Searchers), réalisé en 1956 par John Ford, est bien plus qu'un simple western. C'est une méditation sur l'Amérique, la perte, la vengeance et la rédemption. Autant de thèmes fordiens.
Ici, le paysage n'est pas qu'un décor, il est un personnage à part entière, le miroir intérieur du héros, Ethan Edwards (incarné par John Wayne) - à la fois figure héroïque et monstrueuse du film.
Trois choses se dégagent dans ce film.
D'abord, l'espace. Un lieu de beauté, de solitude et d'exil. Le plan final où Ethan reste sur le seuil, comme rejeté du foyer qu'il aidé à sauver, est l'un des plus bouleversants du cinéma américain.
Puis, la quête (qui donne son sens au titre du film en version originale). La quête, c'est celle de Dobbie, cette fille enlevée par les Comanches. Mais aussi celle d'un homme en quête d'une Amérique perdue : d'une réconciliation impossible entre la civilisation et la barbarie. On peut y voir une métaphore de l'identité américaine, nous rappelant que les Etats-Unis sont un pays fondé sur la conquête et la violence.
Il y a enfin la beauté plastique de l'oeuvre. Par la composition de ses plans, ses jeux de lumière et la profondeur de son cadrage, John Ford passe constamment du mythe à l'intime. Chaque plan raconte quelque chose du rapport entre l'homme et le monde.
C'est clairement à niveau-là, une leçon de cinéma.
Le film s'ouvre dans l'obscurité d'une maison. La caméra recule, révélant un paysage qui passe du noir à la lumière. Ainsi nait sous nos yeux le mythe, celui du rêve américain s'ouvrant vers les grands espaces. Jusqu'au plan final qui renverse tout après que Ethan ait ramené Dobbie à son foyer : la porte se referme, lentement, la lumière s'achevant de se dissoudre dans le noir.
C'est l'Amérique qui se referme sur son héros. Une manière pour Ford de nous dire qu'il n'y a plus de place pour ces hommes-là dans la nouvelle société.
Entre ces deux portes, toute l'histoire des Etats-Unis. La conquête, la perte, la culpabilité, la construction d'un ordre nouveau. Ethan, lui, n'en sera que le passeur.
La Prisonnière du Désert est décidément bien plus qu'un western et une leçon de cinéma. C'est toute une méditation sur ce qui fait la place d'un héros en Amérique.