"Allez-le voir, il a eu la palme d'or. Y'a un peu de sexe, mais c'est bien, c'est réaliste."

Voilà, encore un exemple d'un cinéma bordélique et primé pour la forme. Sans parler d'un côté voyeuriste qui ne sert pas l'histoire avec sa redondance et ses scènes dénuées de subtilité, on oscille un peu entre le talent du réalisateur pour son coup d'oeil et un certain dégoût pour le reste, notamment l'absence de prise de position concernant le côté Mainstream de l'homosexualité. Car ce qui frappe en premier lieu, c'est la photographie. Elle est excellente. Mais le reste, justement, c'est une carapace vide...

Je vais donc parler tout de suite du côté technique, puisque c'est le plus abordable et le plus réussi. Dynamique, toujours ou presque au grand angle et en gros plans, souvent caméra à l'épaule, la photographie est à mon sens le gros point fort du film. On ressent les errances d'Adèle comme si on y était, car la caméra ne lâche que très rarement les personnages. La musique ou l'ambiance sonore est quasiment inexistante, ce qui renforce le réalisme, encore une fois. Il y a de la musique quand les personnages en écoutent. Point barre.
On vit donc les scènes d'autant plus intensément qu'on est proche de ce qui se passe dans la vie de tout-un-chacun, et de ce côté, c'est très réussi, très immersif.
Les dialogues rythmés donnent un souffle très particulier à chaque plan, surtout au début avec les années Lycée, où les tensions apparaissent avec le plus de force. Et c'est vrai qu'avec l'interprétation des deux actrices, on est dans le haut du panier.
Un petit bémol toutefois avec les lamentations et les pleurs d'Adèle Exarchopoulos, qui finissent par vraiment agacer en fin de film.

Mais passons, l'essentiel est ailleurs. Moi, c'est le fond du film qui m'a choqué. Car si j'admet qu'on puisse s'extasier sur la photographie viscérale et rafraîchissante, je m'interroge quand même sur le contenu et la mise en scène. Parce que ce qui frappe juste après la photographie, ce sont les longueurs, les ellipses et les imprécisions dans le scénario et le côté voyeuriste de certaines scènes, sans parler forcément des scènes de sexe.

Au final, je me suis rendu compte que l'histoire et le personnage d'Adèle sont inintéressants.
Le début du film laisse pourtant planer le doute, même si on sent une absence générale de construction dans le scénario. On découvre les personnages progressivement et dans leur univers, servis tels quels et sans assaisonnement. On découvre donc Adèle durant ses années Lycée, avec ses émois d'adolescente pas spécialement intéressants en soi, mais bien filmés.
Ce qui est dommage par contre, c'est que pour une fois qu'on montre d'une manière réaliste les interactions entre jeunes des cités, on se cantonne à une vision très simpliste des pro et anti-Gays. Kechiche aurait justement pu creuser le côté communautaire pour donner un point de vue plus large ou plus constructif.
Et le film est dans cette lignée. Il n'y a que très peu d'interactions avec les proches d'Adèle. Que ce soit ses amis, ses parents ou ses collègues, du coup on n'en apprend pas beaucoup sur elle, sinon qu'elle passe sa vie à être malheureuse. Et ce n'est pas bien intéressant, cette histoire.
Au lieu de ça, on se focalise sur des scènes généralement assez creuses, qui montrent le rejet du personnage par une partie de ses pairs, mais ponctuellement. Il n'y a pas forcément de lien entre les pairs et l'héroïne. Du coup on ne peut que supposer une violence subie, chronique, et le malaise du personnage par rapport à son homosexualité. Idem par rapport à la vie familiale. On ne sait jamais si Adèle avoue ou pas son homosexualité à sa famille. Pourtant, après une groooosse ellipse narrative, on sait qu'elle s'est installée avec Emma et qu'elles vivent ensemble. Et leur séparation est le reflet d'un coming out qui n'arrive pas. Mais est-ce qu'on en est sur ? Non.
En tout cas si on s'en tient aux dialogues, Adèle n'a pas évolué d'un pousse enter la fin de sa terminale, la Fac et son premier poste d'instit... On peut donc supposer qu'elle vivent ensemble depuis cinq à sept ans. C'est un peu long sept ans sans parler à sa famille d'un sujet si important...
Je suis un peu dubitatif, même si une part de moi accorde le bénéfice du doute à cause de l'empathie que j'ai pour la communauté homosexuelle. Parler à des gens fermés est une épreuve, surtout quand on n'arrive pas à communiquer, ce qui est le cas d'Adèle, dont le vocabulaire est resté bloqué aux années Lycée. (Mais c'est bien, c'est dynamique. Et puis il a eu la palme d'or, hein.)
Ensuite l'histoire d'amour, très très kitch, prend vite le dessus. Elle devient vite imbuvable parce qu'elle n'évolue que très peu et parce qu'elle a déjà été vue en mieux des milliers de fois.
Pourtant Léa Saydoux a un personnage intéressant. Emma est exclusive, mature, et dotée d'un fort tempérament, elle séduit tout en guidant Adèle vers une sexualité plus épanouie. (c'est le moins qu'on puisse dire) Elle balance surtout des répliques mordantes et décalées, notamment pendant les scènes de drague, où on se régale avec un humour fin et très à propos.
Mais ça s'arrête là. Car au bout du film et de ses pénibles 2h57, on se rend compte que le personnage d'Adèle n'a pas évolué d'un iota et n'évoluera pas. Elle est restée bloquée dans le choix d'une sexualité sans arriver à trancher, alors qu'elle pourrait simplement être bisexuelle. C'est vraiment lourdingue. Surtout quand on se dit que ce non choix provoquera la fin de son histoire d'amour, consternante de mièvrerie en plus. Elle vit dans l'ombre d'Emma, mais là encore il ne se passe rien. Le personnage est juste désoeuvré et vit dans son amour déchu.
Bon.

Autre point concernant la mise en scène: Le film regorge de scènes voyeuristes, mal montées et totalement déplacées. Ici une Adèle dans une pose lascive et très suggestive mais totalement inutile, là un gros plan sur ses fesses, là-bas un gros plan sur son clitoris... Si vous aviez des doutes sur l'anatomie féminine, vous en sortirez INSTRUITS ! La scène où elle se fait peindre, notamment.
Si je me souviens bien, il y avait l'équivalent dans Titanic, mais en plus subtil.

Et pour finir, cerise sur le gâteau, il y a les fameuses scènes de sexe. Ah... Les scènes de sexe. Pour être honnête, je m'attendais à être un peu émoustillé, après tout la sexualité féminine reste un des plus gros fantasmes masculins. Je m'attendais à quelques scènes coquines. Mais là... C'est trop. On est toujours entre film porno et film érotique, avec des scènes de cunnilingus et pénétrations diverses et variées franchement suggestives. Je ne vois pas le côté artistique là dedans, parce qu'Adèle est souvent montrée en tant qu'objet, avec une longue durée et avec une redondance des scènes importante. Plus de retenue et de subtilité aurait je pense élevé le débat. Là il y a un côté cru et jusqu'au-boutiste qui rend ces scènes déplacées par rapport au contenu initial, et surtout ne permet pas d'apprécier autre chose qu'une scène de sexe. Nul doute que certains pantalons ont dus être bien serrés pendant de longues minutes. (je compatis les gars, je sais de quoi je parle) Je m'interroge donc sur le côté salace du réalisateur.

Donc au final, je n'ai pas aimé "La Vie d'Adèle". L'histoire est franchement nulle, trop mal mise en scène, mal étoffée et trop mal écrite pour que je puisse simplement m'extasier sur la photographie. Je trouve que le côté intimiste qu'elle met en avant cède vite la place à un voyeurisme exacerbé et assez malsain, qui dessert le propos du film en ne prenant pas clairement position sur l'acception sociale de l'homosexualité.
Bref, je vais me rabattre sur "Jeune et Jolie", en espérant ne pas tomber encore sur un de ces film de bobos élitistes et désoeuvrés par une vie sexuelle inexistante.
amjj88
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le 13 mars 2014

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