Se regardant comme une trilogie, la saga du Dollars propose une véritable montée en tension au fil des épisodes, avec comme dernier acte Le Bon, la Brute et le Truand, véritable apothéose du western selon Sergio Leone.


Au fil du temps, Le Bon, la Brute et le Truand a acquis une immense réputation, avec certaines séquences, musiques et répliques ayant atteint la postérité, connus même par ceux qui n'ont pas vu le film. C'est remarquable et surprenant de constater que le grand nombre de vision ne change jamais l'estime que l'on peut avoir pour lui, le plaisir pris est toujours aussi immense qu'intact, et c'est toujours un savoureux travail d'orfèvre d'y déceler de nouveaux détails.


Ici, on s'imprègne du style de Leone, qu'il avait travaillé dans les deux précédents opus, dès les premières secondes, où il nous présente les trois protagonistes. Peu à peu, il met en place son récit, évoquant les motivations de chacun, mais aussi les façons de vivre, les liens existants, ou non, entres eux ainsi que leur quête du même trésor. Dès leurs silencieuses présentations, on se prend d'affection pour eux, que ce soit en bien ou en mal, et on veut les suivre, voir comment ils vont s'en sortir et surtout comment.


La maîtrise du scénario est exemplaire, Sergio Leone distille peu à peu les éléments laissant toujours planer de mystérieux aspects sur les enjeux, et jouant avec nous et nos nerfs sur d'autres. Il propose une description minimaliste des personnages, on ne sait pas grand chose d'eux, et ils n'ont pas besoin d'avoir beaucoup de dialogues, à l'exception de Tucos, pour être passionnants et intrigants.


Si l'écriture est toujours juste, à l'image des géniaux dialogues, c'est plus la maîtrise de la caméra qui impressionne, Leone capte merveilleusement la saleté, la violence et la nature humaine en règle générale, sans forcément avoir recours aux mots, mais par le biais des visages, gestes ou de la musique. Il vise toujours juste, ses plans sont remarquables, sublimant les visages des personnages ainsi que les paysages.


L'ambiance est prenante, on ressent toute la poussière et la chaleur du désert, ainsi que l'atmosphère plombante et violente s'échappant des personnages. Les moments de tensions sont nombreux, se faisant de plus en plus fort jusqu'à une dernière partie d'une rare intensité, d'ailleurs on ne compte même plus le nombre de séquences mémorables, à l'image des retrouvailles sous tension dans une ville bombardée. La gestion du rythme et de l'espace est aussi remarquable, sachant prendre son temps lorsqu'il faut pour mieux tirer juste après, alors que Leone expose sa créativité, tant dans l'écriture que la réalisation.


Le Bon, la Brute et le Truand bénéficie aussi du passionnant contexte de la guerre de Sécession, permettant au cinéaste italien d'encore plus assombrir sa vision de l'humain, violent, attiré par l'argent et prêt à tout pour arriver à ses fins. Il n'y a pas de bien ici, le bon du titre reste tout de même un meurtrier cherchant avant tout un enrichissement personnel. Il n'en oublie pas non plus quelques pointes d'humour, sans pour autant éclaircir l'oeuvre de sa noirceur, notamment par le biais du personnage de Tuco, apportant une nouvelle figure et style dans l'univers de Leone, qu'on ne trouvait pas dans ses films précédents.


S'éloignant toujours des classiques Hollywoodien et Fordien, il apporte un vrai souffle à son univers, un côté épique dont la tension transpire des yeux des personnages avec un ton cynique étant toujours le bienvenu. L'ambiance est sublimée par la bande-originale d'Ennio Morricone, à nouveau remarquable et originale, notamment dans son utilisation de divers instruments et traduisant la peur, l'émotion, à l'image de l'approche de Leone de la Guerre, et divers aspects des protagonistes, se mêlant avec un brio rare aux images, et traduisant parfois bien plus que des mots, et on notera de nombreuses compositions inoubliables.


Dans ses six films les plus connus, le talent de directeur d'acteur de Leone est inestimable, sachant faire jouer à merveille ses personnages pour que ça sonne toujours vrai et créant des postures mythiques. Clint Eastwood, toujours aussi charismatique et mutique, représente parfaitement ce qu'est être bon dans l'univers aussi impitoyable de l'italien, toujours avec des savoureux détails à l'image de son cigare, tandis que Lee Van Cleef est encore une fois extraordinaire de sobriété, retranscrivant par un simple regard et posture une violence inouïe. Eli Wallach est génial en parfaite pourriture humaine, maladroite aussi, et finalement c'est lui qui sera vecteur d'émotion par son âme blessé.


Sergio Leone conclut en apothéose sa saga autour de l'Homme sans nom, offrant une oeuvre sombre, étouffante, mystique et non dénuée d'humour, sublimée par de remarquables comédiens ainsi qu'une ambiance extraordinaire et immersive.

Docteur_Jivago
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le 19 janv. 2018

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