Le coeur aux lèvres est un joyeux bordel auquel il ne faut pas essayer de trouver cohérence sous peine de passer une sale heure et demie. Sous ses airs de whodunit cartésien se planque une foire à toutes les expérimentations formelles. Si Tinto Brass cherche à y produire du sens, ce n’est qu’à travers ses images et elles seules. Le reste, acteurs, intrigues et autres parcelles habituellement d’importante de tout film, sont reléguées au second plan.
Dès lors, deux possibilités.
Ou l’on se laisse emporter par la générosité visuelle de l’ensemble, la bande son jazzy, le charisme volontaire de Jean-Louis Trintignant le charme de la belle Ewa Aulin, qui du haut de ses 17 ans, signe une prestation qu’il serait à mon avis bien difficile à reproduire aujourd’hui et on passe un sympathique moment.
Ou bien on se braque devant autant d’agitation pour si peu au final. Auquel cas, la mise en scène semble trop maniérée pour être honnête, et surtout sans réelle logique, y compris dans sa recherche sémantique. Bien délicat par exemple de comprendre la mécanique qui pousse Tinto Brass à ôter la couleur de certaines séquences quand il ne joue pas avec des effets de bande dessinée un peu à la manière d’un Scott Pilgrim pour accompagner les quelques coups de lattes qu’il met en scène. Chaque effet de style, chaque référence longuement appuyée, s'inscrit avec lourdeur dans une intrigue complètement sacrifiée.
Découle en effet de ces choix cavaliers un déséquilibre général gênant laissant entendre que Brass lui-même ne sait pas trop sur quel pied danser : entre réalisme et comédie, rigueur et laisser-aller, il n’arrive pas à faire un choix et tente de tout mixer avec plus ou moins de réussite. Conséquence, Le coeur aux lèvres manque d’harmonie, son rythme est gérée de manière chaotique et il est bien difficile, en fin de séance, de savoir quoi penser de toute cette débauche d’énergie alors que le final se veut marquant.
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5.5/10