Le Conte de la princesse Kaguya
7.9
Le Conte de la princesse Kaguya

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (2013)

« Le Conte de la princesse Kaguya » est une œuvre très adulte et assez sombre malgré ses atours enfantins. En effet, y est évoquée la vie sur terre d'une jeune fille aux origines surnaturelles, trouvée par un modeste paysan dans une pousse de bambou, et élevée par ses soins avec sa femme. La jeune fille grandit avec des enfants de la bambouseraie, tout aussi modestes que ses parents adoptifs, et elle goûte aux joies d'une vie simple et heureuse. Mais le paysan trouve un jour de l'or et de belles étoffes dans la bambouseraie : il en est convaincu, sa fille est en réalité une princesse. Il se doit donc de l'éduquer en conséquence et de lui offrir une place de choix à la capitale, où elle pourra s'épanouir et épouser un riche courtisan. Mais, pour l'héroïne, cela veut dire renoncer à la vie qu'elle mène et qu'elle aime tant, et à ses amis, trop « rustres » pour elle selon son père... D'autant qu'on lui assigne une marâtre en guise d'éducatrice, et qu'elle doit se plier à des usages proprement inhumains (s'épiler les sourcils, ne plus rire, se noircir les dents, rester cloîtrée chez elle, ne pas participer aux fêtes données en son honneur,...). Le conte prend alors une autre tournure, et vient dénoncer l'avidité des hommes, qui recherchent gloire, richesse et ascension sociale sans limite (on n'est d'ailleurs pas très loin du « Bourgeois gentilhomme » de Molière, même si ce dernier est drôle et léger, bien au contraire du présent long métrage). Takahata enrichit avec intelligence le conte d'origine (daté du Xème siècle) pour opposer deux conceptions de l'existence. Ce qui, en filigrane, malgré son côté désabusé, fait du « Conte de la princesse Kaguya » (et là je vais citer un ami) « un hymne à la vie. Mais à la « vraie » vie. Une vie au contact de la nature, de gens authentiques. Une vie simple ». Je ne retrouve pas chez Takahata la même joie et la même humanité (bienveillante) que chez Miyazaki. Mais certains passages de ce film sont excellents, et surtout, le ton est assez subtil et intelligent pour donner à réfléchir, tout en savourant de jolis dessins. Attention donc, ce long métrage n'est pas vraiment pour les enfants, et il vous laissera peut-être un goût doux-amer à la sortie de la séance. Mais il offre un saisissant portrait du Japon médiéval, et plus encore, dénonce avec force et brio des travers humains plus que funestes. D'une manière telle qu'on ne peut que saluer ce qui sera peut-être le dernier film d'Isao Takahata.

Créée

le 10 juil. 2014

Critique lue 329 fois

5 j'aime

3 commentaires

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 329 fois

5
3

D'autres avis sur Le Conte de la princesse Kaguya

Le Conte de la princesse Kaguya
Hypérion
8

かぐや姫

Isao Takahata réalise avec Kaguya-hime no monogatari une merveille visuelle. S'appuyant sur le meilleur des techniques d'animation dernier cri, son équipe accouche d'un défilé époustouflant d'images...

le 16 juil. 2014

104 j'aime

10

Le Conte de la princesse Kaguya
Eren
10

On en mangerait d'ces nuages !

On ne le dira jamais assez, mais il existe une synergie avec les films GHIBLI. Une sorte d'osmose devant laquelle on peut tous rester ébahi sans l'avoir été pour les mêmes raisons, sans avoir été...

Par

le 29 juin 2014

86 j'aime

10

Le Conte de la princesse Kaguya
SeigneurAo
9

Takenoko !

Le conte de la Princesse Kaguya est passionnant à plusieurs titres. Le plus évident est l'envoûtement visuel et auditif procuré tout au long de la séance. Première collaboration entre Takahata et...

le 12 juin 2014

67 j'aime

44

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

58 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20