Rafael Belvedere est propriétaire d’un restaurant où il donne beaucoup de sa personne pour que l’affaire tourne. Cela se sait, puisqu’un homme vient lui proposer de le racheter. S’il n’en est pas question, la proposition fait réfléchir Rafael. Il vit avec la mignonne Naty (Natalia Verbeke) et il s’occupe une fois par semaine, le jeudi, de sa fille Vicki qui a une dizaine d’années et vit avec son ex-femme, Sandra (Claudia Fontán)


D’autre part, il voit régulièrement son père Nino (Héctor Alterio), retraité dont il a pris la succession au restaurant. De temps en temps ils vont voir la mère (Norma Aleandro), dans un institut où elle est traitée pour la maladie d’Alzheimer.


La première partie met en place tous les éléments de l’intrigue, avec une certaine délicatesse. Tout juste si on réagit aux appels réguliers d’un importun qui voudrait voir Rafael. Celui-ci dit manquer de temps et s’agace en disant qu’il ne connait pas de Juan Carlos. Et puis, à force de s’agiter, Rafael a un accident cardiaque qui le mène aux urgences. Après un séjour à l’hôpital d’une dizaine de jours, il comprend qu’il va falloir apprendre à vivre autrement.


Du coup, Rafael envisage de vendre le restaurant pour aller vivre au Mexique où il a vu des endroits qui lui plaisent, pendant des vacances, du temps où il était encore marié avec Sandra. Il vient donc discuter avec son ex-femme pour voir comment ils pourraient s’arranger pour la garde de leur fille…


Mais ce qui va devenir l’intrigue principale, c’est le projet du père de Rafael. Vivant maritalement depuis 44 ans (mariage civil uniquement), il voudrait satisfaire le vœu le plus cher de sa femme avant qu’il soit trop tard : un beau mariage à l’Église. Oui, mais comment organiser cela ?


D’autre part, Naty commence à éprouver des doutes sur les sentiments qu’elle éprouve pour Rafael. Il faut dire que celui-ci ne lui a pas parlé de son envie subite de s’installer au Mexique. D’ailleurs, pour y faire quoi ?


La deuxième partie s’anime donc de manière étonnante. L'argentin Juan José Campanella (réalisateur, mais aussi coscénariste avec Fernando Castets) réussit à tout organiser pour qu’on sente beaucoup d’émotion. Tout se bouscule, puisque par exemple, lorsque Rafael va voir son ex-femme en raccompagnant leur fille un jeudi, il tombe sur le nouveau copain de Sandra. Du coup, il ressent l’envie de se rapprocher physiquement d’elle, alors que cela fait 4 ans qu’ils sont séparés et qu’elle suit une thérapie pour l’aider psychologiquement à reconstruire sa vie.


Il faut voir également le face à face de Rafael avec le prêtre qu’il contacte pour négocier les conditions du futur mariage de ses parents. D’ailleurs, l’arrivée de Rafael dans cette église permet un beau plan en plongée qui met en valeur le sol de l’église. Autre plan qui fait son effet, quand Rafael rencontre des hommes d’affaires pour discuter de la cession du restaurant. Seul d’un côté de la table, Rafael fait face à 5 ou 6 hommes. Cela se passe dans un bureau situé dans un building à un étage élevé. Derrière Rafael, une immense baie vitrée domine la ville. La caméra s’avance doucement vers Rafael, jusqu’à donner l’impression qu’il est assis au-dessus du vide. Impression voulue car symbolique : en vendant ce restaurant, Rafael évacue son patrimoine et il se jette littéralement dans le vide (et risque de perdre sa position dominante symbolisée par son nom de Belvedere), puisqu’il ne sait pas vraiment ce qu’il fera de l’argent. Le film comporte un certain nombre de trouvailles de ce style qui en font une œuvre de qualité, agréable à regarder.


Juan Carlos se révèle être un ami d’enfance de Rafael, perdu de vue depuis des lustres. Le genre un peu envahissant qui se dit acteur. Ce sera l’occasion de quelques scènes amusantes, surtout une, fondamentale dans l’intrigue, qui se révèle hilarante. Une amitié qui fait également émerger tout un pan nostalgique.


Nous avons évidemment droit à beaucoup d’émotion. Avec les efforts fournis par le père et le fils pour aboutir à ce mariage tant désiré. Mais aussi dans la relation entre Rafael et Naty. Rafael réalise qu’elle peut plaire à d’autres et que les sentiments qu’elle éprouve peuvent s’émousser, en d’autres termes qu’il peut la perdre. Malgré son charme (Ricardo Darin encore jeune, puisque le film date de 2001) et sa virilité (il faut le voir s’énerver après un collègue), Rafael comprend qu’on ne laisse pas une charmante jeune femme comme Naty partir comme ça, même si elle avoue qu’elle n’a jamais attendu de Rafael qu’il soit comme tel ou tel, Dick Watson par exemple. Ce faisant, elle désarçonne Rafael qui ne voit pas du tout qui peut être Dick Watson. Il ira jusqu’à interroger discrètement les uns et les autres, personne ne sait. Il finira par imaginer que, dans le feu de l’action, Naty lui a donné un nom déformé. Surprise, le générique de fin montre ce nom de Dick Watson dans un contexte inattendu, ce qui laisse entendre au passage que Rafael a encore bien des choses à apprendre de sa compagne, nouvelle subtilité amusante.


Bref, un film intelligent, qui se révèle progressivement et qui distille beaucoup d’émotion avec des personnages que le futur réalisateur de Dans ses yeux (2009), réussit à faire vivre, tout en enrichissant régulièrement l’aspect comédie. Ce film parle avec justesse des relations de couple et de la famille prise dans le tourbillon des préoccupations quotidiennes, y compris les aléas de santé. Par la même occasion, il donne un intéressant aperçu de ce que peut être la vie en Argentine à l’époque.

Electron
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le 29 juil. 2020

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