Cette légende de l'animation française, je l'ai découvert dès ma plus jeune enfance chez ma chère Marraine. À cette époque, je détestais le roi Charles V et III font VIII et VIII font XVI, avec son air à la fois hautain et triste. Tout comme cet oiseau bavard et moqueur doté d'un étrange chapeau d'ailleurs.


Quand on a entre 5 et 12 ans, on aime les Disney, pas cette oeuvre poétique et contemplative. C'était d'un ennui. Ce n'est bien que des années plus tard qu'on profite pleinement à admirer ce royaume maussade et à voyager dans ces longs couloirs au milieu de ses nombreux tableaux. Toutes ces couleurs froides n'ont jamais été aussi attirantes.
Paul Grimault était un perfectionniste, ce qui rend chacun des personnages tout comme la moindre sculpture, tableau ou élément décoratif splendide.
J'ai été charmé particulièrement par tous ces tableaux, les représentations abstraites de notre roi, mais surtout sur lequel le Roi fantasme d'un amour impossible avec une bergère, qui elle, succombe au charme de son voisin le ramoneur. (Et c'est en général à partir de ce moment, que j'éteignais le film, c'est dommage.)


Car suite à cette étrange poésie, les tableaux prennent vie en pleine nuit, et on assiste à des échanges romanesques sur l'amour lié au destin avec une 'vieille' sculpture pessimiste. Puis enfin vient cette folle escapade, de ce couple imaginaire qui fuit pour un naïf amour. C'est là que tout commence, mais ces derniers ne servent que de prétexte à un doux combat opposant le roi, symbole de l'autorité, et l'oiseau, symbole de la liberté.


Le Roi et l'Oiseau est plus qu'un simple dessin-animé, c'est également une subtile critique de la société.


La critique la plus flagrante est bien évidemment celle du pouvoir, si ce n'est dictature. Avec cette standardisation des masses où chaque membres du royaume rentrent dans un moule avilissant, où chacun à son petit uniforme noir, qui rappelle la Stasi, et qui doivent bien entendu servir le Roi sans jamais le contrarier sous peine de se faire écraser, ou envoyer 'on ne sait où' via de multitudes trappes. Pendant que sa majesté qui louche crie "Le travail, c'est la liberté", slogan mainte fois utilisé par les nazis. Sinon, on retrouve dans le sous-sol de ce royaume, ceux qui ne méritent aucune attention ou d'être montré, des individus qui eux, ont conservé leur personnalité, mais ont oublié les choses les plus simple de la vie, comme la connaissance de simples oiseaux, où l'image du soleil.


Le royaume de Takicardie est également l’expression du modernisme de nos sociétés. Les Jet Ski de l'armée, le trône auto-tamponneuse, les ascenseurs en forme de fusée ou les trappes automatiques sont autant de clins d’œil aux objets technologiques qui envahissent le quotidien des Français après la guerre, qui évoque une vision poétique du matérialisme citadin. Le Roi et l'Oiseau ne critique pas le progrès, loin de là. mais pose la question de l'utilité que nous y trouvons. Utilisons-nous ces technologies à bon escient ? Il suffit de voir l'ennui perpétuel du roi pour s'assurer que la réponse est négative, d'autant plus qu'il utilise machinalement et futilement tous ces gadgets.


Pour couronner cette démonstration, Grimault dessine un robot géant effrayant, métaphore des armes de destruction massives, summum du progrès technique, et pourtant simple outil d'extermination. N'oublions pas que nous sommes en pleine guerre froide lors de la production. Malgré ça, cette puissance destiné à défendre le roi, est ici utilisé pour assouvir ses intérêts, donc à retrouver cette bergère et ce ramoneur. Mais bien sûre, cet abus d'utilisation sur cette arme, va se retourner contre lui, et détruire tout son beau royaume.


Lors du final, ô combien grandiose, le robot prend la pose du penseur de Rodin, et redonne la liberté à un oisillon emprisonné. Cette dernière scène est magnifique car, au-delà du triomphe de la liberté, elle montre que la technologie peut agir pour notre bien.


Le roi et l'oiseau est plus qu'une oeuvre quelconque, ce n'est pas qu'une simple production, malgré une grosse longueur sur la poursuite vraiment non-négligeable, on aboutit vite à un incroyable enchantement avec cette délicieuse scène des lions, où Prévert nous livre son plus grand talent de poète avec ses dialogues, à l'instar de Joseph Kosma avec sa musique. Paul Grimault nous montre que le dessin animé n'est pas qu'un divertissement mais fait bel et bien partie du septième art.


Véritable oeuvre d'art, à ne pas voir en famille, car fera paradoxalement le bonheur des parents au détriment des jeunes enfants.

Alex-La-Biche
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le 19 juil. 2014

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le 19 juil. 2014

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Alex La Biche

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