Le cinéma n'a pas attendu les années 80 pour montrer une fascination particulière envers la vie des légendes de la musique. Dès 1946, Columbia met le paquet avec une relecture grandiloquente du parcours d'Al Jolson, l'un des plus grands entertainers de du début du XXe siècle, principalement connu chez nous pour avoir tenu le rôle principal de The Jazz Singer, le premier film parlant. Et dès 1946 Hollywood s'amuse déjà à prendre des (grosses) libertés avec la réalité, que ce soit pour des raisons de dramaturgie ou pour des impératifs légaux (l'ex-femme d'Al Jolson, Ruby Keeler, ayant refusé d'être mentionnée dans le film, est ici renommée "Julie Benson").


Là où The Jolson Story se démarque du biopic contemporain tel qu'il se définit à l'heure actuelle, c'est en refusant presque intégralement de se confronter aux démons de l'artiste. Les trois quarts du film se mettent au diapason de la personnalité d'Al Jolson, hyperactif dont le seul bonheur semble être de se donner en spectacle encore et encore. Faisant ainsi de The Jolson Story un feel-good biopic qui, faute de nuances, penche presque parfois à la limite de l'illustration. Si cela peut ressembler à un choix de scénario, cela tient sans doute plus de l'omniprésence de Jolson en coulisses.


Qu'est-ce qui dès lors sauve le film de n'être qu'une simple page Wikipedia en Technicolor ? Une âme, tout simplement, et le fait qu'il soit incarné avec une conviction de tous les diables par des acteurs fantastiques. Larry Parks embrasse la vie de l'artiste avec un aplomb bluffant, à tel point que l'on en oublierait presque que c'est la voix de Jolson himself qui sort des enceintes. Cette symbiose entre l'acteur et le modèle trouve son point d'orgue dans une scène aussi simple que bouleversante durant laquelle Jolson chante pour ses parents après 2 ans de retraite conjugale.


C'est à peu près à ce moment que le film laisse entrevoir les seules miettes de drame qu'il veut bien nous laisser grignoter, sans jamais sombrer ni dans la facilité ni dans l'émotion préconçue. C'est au contraire grâce à une rare subtilité que les maigres enjeux dramatiques de la dernière demi-heure touchent en plein coeur, et que la romance entre Jolson et Benson (magnifique Evelyn Keyes) donne un relief bienvenu à un film qui semblait jusque-là en lévitation permanente, perché sur un nuage. Pour en faire l'un des meilleurs biopics musicaux, tout simplement, et peu importe que la vérité soit ailleurs.

Créée

le 23 sept. 2019

Critique lue 129 fois

1 j'aime

magyalmar

Écrit par

Critique lue 129 fois

1

Du même critique

L'Argent
magyalmar
1

Compte dormant

Sans doute fatigué de pondre des drames chiants pour neurasthéniques masochistes, Robert Bresson s'est surpassé afin de nous offrir son ultime chef d'oeuvre, une parabole de science-fiction sous...

le 26 mars 2018

30 j'aime

3

Les Désaxés
magyalmar
5

Huston, le monde Huston

Honnêtement, je pense qu'Arthur Miller aurait pu broder une merveille de scénario en se contentant de la dernière scène dans le désert du Nevada, où tout est dit. Après tout, un bon exemple vaut...

le 2 avr. 2016

23 j'aime

2

Le Guerrier silencieux - Valhalla Rising
magyalmar
1

Alors c'est ça l'enfer

Refn est un sacré déconneur. Le défi de départ était excitant : écrire un scénario en 5 minutes. Malheureusement Nicolas dut se rendre à l'évidence. Ecrire plus de deux pages en 5 minutes c'est pas...

le 4 janv. 2014

20 j'aime

1