Il n'est pas aisé de parler d'une part d'un film autant dense, mais ensuite d'une œuvre dont le prix fût quelque peu controversé dans la mesure où cette palme d'or sentait le copinage facile (Isabelle Hupert, présidente du festival, qui avait gagné un prix d'interprétation pour son rôle dans le pitoyable La Pianiste du même Haneke). Mais au bout des quasi 2h30 que durent ce Ruban Blanc, l'évidente qualité du film ne peut que s'imposer au regard du spectateur. Michael Haneke s'est clairement éloigné des chemins du didactisme (trajet qu'il avait déjà commencé à emprunter avec Caché) pour livrer un film au premier abord opaque, puis dégageant avec subtilité un questionnement sur le devenir de l'Allemagne au matin de la première Guerre Mondiale.

Des actes de violence sadiques et inexplicables sont commis dans un petit village de campagne qui vit sous le patriarcat d'un baron peu soucieux du sort de ses sujets. La peur s'installe. Et ce sont progressivement tous les rapports sociaux qui se désagrègent, anéantis par une tension sourde qui alimente les comportements. C'est finalement une escalade de la violence qui se met en place. Mais sous une forme bien plus insidieuse que l'on ne pourrait le croire et qui se révèle sous des formes aussi diverses qu'horrifiantes. Peu à peu les liens se font visibles. L'abus, sous toutes ses formes (de pouvoir, disciplinaire, sexuel, de confiance), devient alors la menace première, celle qui poussera les plus faibles à se venger avec les moyens qui sont leurs (leurres). On comprend bien vite que ces enfants ont quelque chose de louche. Que leurs visages angéliques, prétendants à la pureté, ne sont que la façade des horreurs à venir. Mais -et c'est là que le film de Haneke devient vraiment fascinant et révèle pleinement sa perspicacité- c'est lorsque la vérité sera effleurée et les actes de barbarie dénoncés (le maître d'école qui vient faire part de ses inquiétudes au pasteur) que, ceux qui se prétendaient alors gardiens de la morale ne seront capable que de fermer les yeux sur ces terribles événements. Hurlants dès lors au mensonge. Et le réalisateur de nous conter alors comment une petite bourgade peut donner un aperçu du drame à venir. Les véritables monstres ne sont pas ceux qui en ont le plus l'air. Et c'est sous le visage de l'ange qu'il faut chercher le démon. Celui-là même qui amènera discorde et terreur pour les années futures.

C'est du moins comme cela que j'ai compris le film de Haneke, quand bien même je pourrais m'arrêter sur de nombreux autres éléments captivants (la relation entre le professeur et la jeune fille, l'histoire du baron et de sa femme, la relation du médecin et de son infirmière, etc..) qui font de ce film une œuvre d'une belle densité, véritable creuse-méninges foisonnant d'idées et doté d'une réalisation impeccable (malgré un noir/blanc qui ne m'a pas toujours convaincu).
Colqhoun
8
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le 6 août 2010

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Colqhoun

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