Une passion bien en craie

Marguerite n'est pas comme tout le monde : c'est la seule étudiante en mathématiques de l'ENS. Tous les autres sont des garçons. En fin de parcours, elle est sacrément réputée, que ce soit auprès des autres étudiants ou de son directeur de thèse, Laurent Werner. Elle s'apprête à passer son grand oral. Et puis patatras : un brillant étudiant venu d'Oxford, Lucas Savelli, avec qui elle a refusé de s'associer, met tout par terre d'une seule et unique question. Voilà notre jeune femme dégoûtée des maths, prête à refaire sa vie, quitte à devoir rembourser les plusieurs dizaines de milliers de frais de scolarité dont l'Etat lui a fait bénéficier. Elle trouve une colocataire en la personne de la très libérée Noa, découvre qu'elle peut gagner gros en utilisant son Q.I. pour gagner au mah-jong. Mais on ne se débarrasse pas si aisément de la bosse des maths...

La particularité du film, c'est de porter sur les maths. Comment exploiter ce sujet original ? En couvrant les murs d'équations bien sûr ! Jusqu'à l'absurde : le coup des murs de l'appartement repeints en noir pour pouvoir les couvrir de craie, les feuilles accrochées partout, car décidément, pas assez de place pour déployer son raisonnement, tout cela est passablement ridicule, non ? Toutes les équations ont été vérifiées par une vraie prof de l'ENS : pour estimable qu'il soit, l'exploit n'efface en rien cette facilité de scénario.

La réalisation n'est pas en reste, sacrifiant à bon nombre de clichés. La matheuse porte des lunettes et a les cheveux coiffés en arrière : sans surprise. Pourquoi la mère, incarnée par Clotilde Courau, allume-t-elle une clope dans la cuisine au moment de discuter avec sa fille ? Pour faire comme d'habitude au cinéma. On lève les yeux au ciel lorsque Marguerite s'endort sur son travail, scène tant de fois vue. On s'afflige, par deux fois, de voir figurer le temps qui passe par un clip : une première fois pour alterner des scènes de mah-jong et des scènes dans l'appartement, une seconde lorsque Marguerite et Lucas sont montrés cherchant ensemble. Ce dernier séduit notre héroïne parce qu'il joue dans une fanfare : eh oui, c'est aussi cooooool que cette mèche romantique qu'il repousse régulièrement.

Le seul aspect un peu singulier de ce Théorème réside dans la personnalité de Marguerite. Ce caractère frontal, qui la fait suivre un garçon dans la rue, avant de lui réclamer un coït qui se déroulera selon son désir à elle. Il y a un côté masculin chez cette matheuse perdue au pays des hommes : les violents coups qu'elle impose, juchée sur son amant, relève d'une approche virile. Au mah-jong, elle ne côtoie que des hommes, et son visage autour de la table prend des allures androgynes. Le jeu d'Ella Rumpf sert très bien le personnage : son regard fixe, une certaine étrangeté dans son attitude, une obstination latente, font exister cette personnalité hors normes. Au côté de Julien Frison en séducteur convaincant, elle sauve en partie le film de la débâcle. L'ensemble est certes insignifiant, mais il se visionne sent (trop) regarder sa montre.

De là à être sélectionné pour le festival de Cannes, il y avait un grand pas, franchi sans doute un peu inconsidérément. Un nouveau mystère à résoudre que la présence, si haut, de ce petit film.