Le Tombeau des lucioles
8.2
Le Tombeau des lucioles

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (1988)

Stop Crying, Man The Fuck Up And Live While You Still Can.

S'il y a bien un film que je déteste voir arriver dans une conversation, c'est celui-là. Ça ne manque jamais d'arriver au détour de la moindre évocation innocente d'un moment ne serait-ce que poignant dans n'importe quel autre film aussi différent et incomparable au Tombeau des Lucioles, et ça se termine souvent par un concours du souvenir du flot de larmes conséquent au visionnage le plus sentimental possible.

Même l'habituel cynique minoritaire heureux de se sentir au dessus des masses en expliquant sa résistance lacrymale placide et rationnelle face au film se fait rare face à des louanges quasi-unanimes. A l'heure à laquelle j'écris ces lignes, le Tombeau des Lucioles est n°4 du Top 111 des films de SensCritique, ratant de peu un podium constitué de chefs d'oeuvres indiscutables.

Et c'est embarrassant, étant donné que vous avez, tous, tort.

Des dizaines et dizaines de personnes à qui j'ai pu avoir une conversation sur ce film, de la personne qui me l'a un jour conseillé aux deux personnes dont j'ai entendu la conversation à l'instant, aussi bien ceux qui l'adulent que ceux qui le détestent, tout le monde estime ce film à partir de la tendance à en être ému aux larmes qu'il a eu sur eux. Sa réputation de film le plus triste de tous les temps n'aide pas, évidemment, et tout le monde se prépare à leur premier visionnage en se demandant presque uniquement si le film sera à la hauteur de sa réputation. En conséquence de quoi ce film, qui effectivement peut être très efficace émotionnellement reçoit de titanesques acclamations, qu'à mon sens il ne mérite tout simplement pas.

C'est incroyablement flagrant quand on voit toutes les critiques négatives et en particulier celle sur la page principale qui s'articulent toujours autour de l'argument "ça ne m'a pas touché." Certains de ses défenseurs diront ne pas avoir pleuré pour afficher leur force émotionnelle mirobolante, mais aucun de ceux qui n'ont pas aimé, vraiment, pas aimé ce film ne diront avoir pleuré devant, une relation qui est bien trop souvent prise à l'envers : je n'ai pas pleuré, donc ce film est mauvais.


Je n'ai pas pleuré devant ce film. Plus que ça, je n'ai pas ressenti la moindre émotion devant ce film. Avant qu'on évoque la possibilité que je reste mon éternel sans coeur sociopathe, j'aimerais mettre en avant le fait que malgré tout, ce film m'a plu.
Simplement pas tant que ça. Jugé sur ses véritables mérites, c'est un assez bon film, avec une belle animation, une histoire poignante et sincère, mais qui possède aussi des défauts qui l'excluent sans conteste de ces hauts cieux là où la critique générale le place.

La réponse émotionnelle est toujours individuelle, sujette aux préférences et aux sensibilités, mais n'est jamais à laisser de côté pour une étude rationnelle, stricte et glaciale, lorsque l'on juge un film. Mais un film qui fait pleurer n'est pas forcément immédiatement un excellent film. La larmoyance est trop facilement manipulable, les exemples pullulent, pour qu'on l'emploie comme critère.

And here's the catch.
Le Tombeau des Lucioles n'est pas un film triste.
Le Tombeau des Lucioles est un film dur. C'est un film qui appelle beaucoup plus à un sens de la réalité terrestre qu'un film qui est censé prêter aux larmes. Ce n'est en rien un film qui vous fait apprécier ses personnages dans le but d'évoquer la tristesse quand il leur arrive des évènements dramatiques. A aucun moment le ton du film ne s'éloigne d'une vision réaliste, très "adulte" de la vie de ces deux enfants, pour plonger dans le dépressif.
Ces deux enfants ne pleurent pas leur mère, leur père, leur sort et eux-mêmes. Ils essayent de survivre et échouent, comme nous l'indiquent les 5 premières secondes du film. On nous donne cette information immédiatement pour justement éviter la tension dramatique, pour nous épargner l'attachement. Et tout le long du film, ils ne semblent pas tristes, ils sont dignes, semblent juste ennuyés par l'atroce réalité qui les entoure, sans jamais désespérer malgré des circonstances qui jamais ne leur laissent la moindre chance, sans aucune surenchère.


C'est un film qui emploie deux enfants pour montrer l'atrocité de toutes les guerres, censé nous montrer que même les choses les plus merveilleuses sont vouées à la mort, et qui jamais ne s'apitoie sur lui même. Je ne dis pas qu'il est stupide d'être ému par ce film, simplement qu'il est censé inspirer un vif et brutal sentiment de reprise de conscience face même aux émotions les plus belles.

Et que cet aspect du film est complètement perdu entre les gens qui demandent aux autres à quel point ils ont pleuré parce que c'est trop triste à la fin.
TheMidgarian
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le 4 déc. 2011

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