Dernier de cordée

En Suisse, au XIXe siècle, le capitaine John Winter (Michael Rennie), célèbre alpiniste, veut tenter l’ascension d’un sommet réputé impossible, la Citadelle. S’étant lié d’amitié avec le jeune Rudi Matt (James MacArthur), il aimerait pouvoir compter sur la présence dans sa cordée du jeune garçon, dans lequel il voit un immense potentiel de futur guide de montagne. Seulement, le père de ce dernier s’étant tué dans l’ascension de la Citadelle, sa famille refuse de le laisser partir en montagne, Rudi étant réduit à être laveur de vaisselle pour l’hôtel local. Mais on n’échappe pas si facilement à son destin…

L’avantage, quand on s’appelle Walt Disney, c’est qu’on peut faire les films que l’on veut, sur les sujets que l’on veut, avec une facilité déconcertante. Alors qu’il avait déjà proposé en 1956 un film sur une de ses grandes passions, les trains, avec L’Infernale poursuite, le grand Walt, inspiré par son collègue Bill Anderson, un fidèle de chez fidèle, nous offre ici une autre de ses passions sur un plateau d’or : la montagne.
C’est donc à Zermatt, lieu de vacances d’hiver privilégié de Walt Disney de sa famille depuis plusieurs années, que les studios iront poser leurs caméras, autour de l'imposant Mont Cervin. Et on peut dire qu’ils ne feront pas les choses à moitié : si le choix de Ken Annakin, réalisateur de films d’aventures dont la réputation n’est plus à faire (il a déjà réalisé 3 films pour la firme aux grandes oreilles), apparaît cohérent, les séquences en haute montagne sont, elles, filmées par Gaston Rébuffat, alpiniste renommé et documentariste à ses heures perdues. C’est dire le degré de réalisme que nous propose Le Troisième homme sur la montagne.
Majoritairement tourné en décors naturels, auxquels ont été ajoutés des décors peints par Peter Ellenshaw d’une totale crédibilité, le film de Ken Annakin réussit parfaitement à nous immerger dans l’ambiance montagnarde, à tel point qu’on s’accroche plus d’une fois à son fauteuil pour ne pas tomber, d’autant que celle-ci est mise en exergue avec des scènes plus paisibles se déroulant dans la vallée, dont le charme et l’authenticité ne sont pas en reste, offrant un délicieux dépaysement.

Pour autant, si le côté spectaculaire est particulièrement soigné, les personnages ne sont pas en reste, et témoignent d’une très belle écriture. Servis par des acteurs convaincants (Michael Rennie, James MacArthur, Janet Munro, Herbert Lom et Laurence Naismith), leur évolution se fait sans manichéisme et surtout sans aucune facilité. Car en effet, si le corps du film est assez classique dans son déroulement, l’acte final en surprendra plus d’un par sa dureté qui rappelle que le Disney des années 50 et 60 savait décidément nous offrir des leçons en or à son jeune public.
De fait, si Le Troisième Homme sur la montagne n’avait été qu’une fable sur le courage et la ténacité, il aurait pu être un film très enthousiasmant, mais son sublime final nous propose bien plus, en nous montrant que le vrai courage n’est pas toujours là où on pense le trouver.

Formidable leçon de vie, transmise par un film d’une grande intelligence, et dont la merveilleuse mise en images et en musique par Harry Waxman et William Alwyn achèvent de convaincre qu’on tient bien là un véritable bijou de la filmographie Disney. Et pour tout oublié qu’il soit, ce bijou n’en est pas moins magnifique.