David Cronenberg est un habitué de la Croisette et la plupart de ses œuvres en témoignent (Crash, Spider, A History of Violence, Cosmopolis, Maps To The Stars et Chacun Son Cinéma). Pourtant, il semble un peu plus revenir à ses premiers amours de la science-fiction, telle une synthèse de chair et d’organe, où il a conquéri la série B du body-horror. Loin de l’idée d’une célébration, il pousse le vice à la réflexion, à l’heure où il est formellement convaincu de la scission entre le corps et l’esprit d’adaptation. Il interroge ainsi la matière grise de Darwin et les enjeux contemporains à travers un spectacle à corps ouvert. Ce rapport à la douleur ne devient donc plus aussi déroutant qu’autrefois, quand bien même nous serions à l’aise avec une démarche qui ne compte pas cicatriser de sitôt.


Comment doit-on réceptionner l’expérience ? Comme une autocritique ? Une genèse d’un art transgressif ? Le spectateur aura tout à faire dans une œuvre qui ne fait que laisser des portes entrouvertes, juste assez pour qu’on atteigne l’orgasme souhaité, ou simplement une forme de répulsion qui viendra heurter la sensibilité du cinéphile, qui aura révisé la filmographie du cinéaste canadien. Nous nous lançons ainsi dans un terrain connu, où Saul Tenser (Viggo Mortensen) constitue la pièce maîtresse du divertissement et qui cherche d’ailleurs à le transcender. Grâce à la minutie de sa partenaire Caprice (Léa Seydoux), ce dernier devient un puzzle organique, à l’image d’un réalisateur dont il serait le parfait ego pour l’étude à venir. Soucieux du corps, de ses vertus et surtout de sa mutation, il pose un regard sur une époque pas si lointaine, où le plastique et le synthétique seraient à la fois des substituts idéaux et un poison pour l’humanité.


Cette approche se fait dans le même mouvement que le discours métaphorique d’une technologie, qui ne comprimerait pas ses utilisateurs dans un enclos, bien au contraire. Il s’agirait d’élever sa condition et de s’approprier cette part de l’inconnue, qui déstabilise et qui ne soumettra plus le corps à une multitude de contraintes qu’il ne peut encaisser. C’est pourquoi il est assez ludique de voir un tel cinéaste décortiquer chacune de ses œuvres par des coupes chirurgicales nettes, où le désir, la culture et la technologie fusionne dans le même plan. Timlin (Kristen Stewart) sera souvent là pour repousser les limites de ce nouveau type de sexe, qui n’a rien de douloureux, physiquement parlant, mais dont chaque plaie serait synonyme d’un vers, composé par un poète, quelque part entre l’agonie et l’extase absolue. Il faudra donc très peu de temps pour que le dénouement vienne un peu plus secouer notre caboche, à la frontière de la fascination et le recul que l’on devrait avoir sur une nouvelle humanité naissante, contre-intuitif, mais qui aura le mérite d’explorer de nouvelles saveurs et de nouvelles sensations.


« Les Crimes du Futur » (Crimes of the Future) n’est pas du genre à marteler ses propos avec son body-horror. La partie visuelle convoque essentiellement les couleurs écarlates, nappées d’un fluide obscur, qui garantira toujours une compréhension des enjeux. Hormis la condition unique de Saul et d’un enfant sacrifié, Cronenberg ne viendra pas s’étendre sur l’état du monde, ne cherche pas à le situer dans une timeline également, il ne cherche qu’à se frayer un chemin vers une vérité, sur l’industrie cinématographique des majors ou du comportement humain qui suit les tendances artistiques. Tout cela est exécuté en un geste, d’une froideur et d’une beauté déconcertante, qui laissera plus de cicatrices qu’il n’y paraît.

Cinememories
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le 11 juin 2022

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