Adapté d'un roman de Laszlo Krasznahorkai, les Harmonies Werckmeister est une beauté, une incroyable beauté qui dure longtemps, incroyablement longtemps.
L'histoire débute par une "représentation" de Lars Rudolph qui met en scène le thème directeur du film, l'ombre fasse à la lumière, l'ordre fasse au chaos, le bien fasse au mal. Bien sûr, lorsque ce dernier affirme qu'après la glaciale nuit lunaire le chaleureux soleil revient toujours, il n'imagine pas pouvoir s'enfoncer si profondément dans les ténèbres qu'aucune lumière ne puisse plus rien pour lui. Avant que l'ombre ne prenne son effroyable essor Rudolph va intérieurement s'interroger encore et encore sur l'humanité, sur son infime place dans l'univers, sur le sens profondément divin de sa création. Petit à petit Rudolph va, dans une expression quasi monocorde du regard, ressentir la peur de se tromper sur ses origines, sur son avenir, la peur de croire sans savoir, de dire sans connaître, d'être sans exister. Les Harmonies est donc fondamentalement métaphorique et métaphysique pour la plus grande joie ou le plus grand damne des spectateurs qui devront faire beaucoup d'études avant de pouvoir prétendre comprendre parfaitement ce film dès la première projection. Car les Harmonies Werckmeister est une œuvre complexe, très complexe...peut être un peu trop. Le jeu de son interprète principal, qui va finalement bien plus loin qu'une prostration constante du faciès, est à son image : grave et énigmatique, mais que veulent-ils nous dire à la fin ? L'humanité est-elle devenue si sombre que seul le format noir et blanc peut encore lui transmettre un peu de blancheur ? La photographie est superbe, la première partie du titre y trouve tout son sens ou comment rendre harmonieux un climat sale, gris, humide et poisseux. La bande sonore transporte également le titre dans une douce et triste mélopée aux sonorités cordées. Mais ce magnifique tableau n'est pas un chef d'œuvre pour autan. En filmant dans leur durée réelle les trajets des personnages qui déambulent interminablement dans la ville, le réalisateur amplifie son message ou le tue. Pour ma par ce fut la mort qui m'épris : deux heure vingt cinq pour trente huit plans, cinq minutes pour un trajet, je veux bien croire que les Hongrois ne sont pas pressés mais là ça se traîne sérieusement et plus effroyable que le message en lui-même, cela gâche une bonne partie du plaisir que transmet Les Harmonies. Après une heure de diffusion, les Harmonies Werckmeister voit son message diminué par l'ennui, voit sa beauté altérée par l'envie irrépressible de faire autre chose qu'attendre que Rudolph soit allé de sa maison à celle de son oncle. Quel malheur de devoir critiquer, par ces longueurs, un film qui se présentait comme une pure merveille du septième art. Quel malheur de n'oser parler d'une rencontre, au final, douce-amère avec un cinéma Hongrois peu connu, et, si le réalisateur persiste dans ce sens, peu regardé.