Une fois encore, Martin Scorsese fait preuve d'une maestria qui lui est propre. Avec «Les infiltrés», il réalise un polar âpre et psychologique terriblement efficace. S'attardant sur ses personnages, il nous dresse quelques portraits du panel de l'humanité avec beaucoup de sensibilité en insistant judicieusement sur les rapports qu'ils échangent, comme le prouvent les très belles scènes entre DiCaprio et sa psy.
Le monde qu'il décrit baigne inexorablement dans la violence et certains passages sont expédiés par un montage sec et tranchant comme une rixe quand il s'agit de brutalité physique, alors que ceux qui évoquent une tension plus psychologique sont traités plus en profondeur usant d'un classique mais efficace champ, contrechamp.
DiCaprio incarne le sens de la justice, Damon l'opportunisme et Nicholson l'arrogance. Ce dernier donne vie à un maffieux irlandais vulgaire, misogyne et vertement anticlérical : il faut le voir s'adresser à un prêtre en le traitant de pédophile. Une fois encore le catholique désabusé qu'est Scorsese règle ses comptes avec les institutions religieuses au travers de ce personnage certes indéfendable, mais à cheval sur certains principes, le rendant par là même presque attachant. On sent aussi un énorme travail avec DiCaprio qui nous offre un jeu nouveau pour lui, loin des héros qu'il a incarné jusqu'à maintenant.
Scorsese s'affranchit de toutes règles et se permet des originalités comme faire apparaître le titre après 20 minutes de film, quand on ne l'attendait plus, sur un fond sonore entre le punk et le traditionnel celtique. Et là encore une fois, épaulé par sa fidèle monteuse Thelma Schoonmaker, il nous propose une hallucinante narration musicale. La musique est omniprésente mais tellement variée, entre un catalogue de titres chers à Scorsese et l'excellente partition d'Howard Shore qui rend hommage à la guitare sous toutes ses formes, qu'elle devient l'un des principaux éléments narratifs de l'œuvre.
Film très psychologique, «Les infiltrés» utilise l'action comme ponctuation pour rythmer l'ensemble. La scène où DiCaprio s'en prend à un voyou dans une superette au son de « Nobody but Me» de Human Beinz en est le parfait exemple.
Quand vous saurez que Mark Wahlberg tient ici l'un de ses meilleurs rôles et que Boston se révèle être un splendide décor de cinéma, vous n'aurez plus qu'à vous précipiter dans les salles pour découvrir cette bombe du Maître new-yorkais.