Les Mille et Une Nuits
6.5
Les Mille et Une Nuits

Long-métrage d'animation de Eiichi Yamamoto (1969)

On ne saurait trop remercier la société de distribution Eurozoom d’avoir permis la redécouverte de la trilogie Animerama de Mushi Production, tant ces films, conçus en plein battant de la révolution sexuelle nous paraissent encore de nos jours terriblement d’actualité. Le premier d’entre eux, Les Mille et une Nuits, écrit et produit par un Ozamu Tezuka désireux de sortir de son image de mangaka pour enfants reste dans les annales pour être le premier film d’animation érotique japonais.


Librement (très librement) inspirés des contes du même nom, Les Mille et une Nuits mettent en scène les péripéties d’Aldin, fusion des héros les plus connu du récit (Aladin, Sinbad, Ali Baba). On retrouve l’ensemble des éléments marquant des contes persans (tapis volant, méchant vizir, génie, géant, roc, « Sésame, ouvre-toi », etc), auxquels s’ajoutent d’autres mythes comme celui de Mélusine, de la Tour de Babel et même d’Œdipe.


A des années-lumières de l’infantilisme de Disney, Tezuka et son réalisateur Yamamoto livrent un récit tout en ambiguïté brossant un portrait bien nuancé de leur héros. Aldin, par ailleurs affublé des traits du Belmondo d’A Bout de Souffle (si, si !) est personnage libertaire et désireux d’absolu qui passera du stade du personnage du vagabond rusé à la charlot à celui de tyran ubuesque, avant la chute finale.


On peut regretter quelques faiblesses scénaristiques : des deus ex machina un peu trop téléphonés, des raccourcis, des personnages pas assez exploités (notamment parmi les femmes), ou encore un surplus d’intrigues entremêlés.


Néanmoins le film frappe toujours les esprits notamment par sa critique d’un pouvoir masculin corrupteur opprimant la gente féminine, thème que Yamamoto explorera de façon plus concise dans son futur Belladonna. Une scène frappe : le viol de Madia, la fille du chef des voleurs, tout en douleur et en retenu, suivi de son retentissant appel à la vengeance. Relativisons cependant le qualificatif de « féministe » pour le film, ce dernier ayant quand même été conçu pour émoustiller principalement le spectateur masculin.


Enfin, Les Mille et une Nuits reste un incommensurable festival visuel en droite ligne du western spaghetti, regorgeant de trouvailles et d’expérimentations comme le mélange animation/prises de vue réelles ou le recours aux images peintes et inanimées sans parler des nombreuses scènes érotiques aussi hallucinées que psychédéliques.


21 ans avant Otomo et son Akira, 3 ans avant Fritz the Cat, Les Mille et une Nuits reste comme cette figure de l’ombre, ce soldat d’avant-garde ayant contribué à avoir fait passer le cinéma d’animation dans l’âge adulte. Un beau jalon pour marquer symboliquement cette année 1969, définitivement année érotique.

kingubu88
7
Écrit par

Créée

le 16 juin 2019

Critique lue 430 fois

1 j'aime

kingubu88

Écrit par

Critique lue 430 fois

1

D'autres avis sur Les Mille et Une Nuits

Les Mille et Une Nuits
Skidda
6

Critique de Les Mille et Une Nuits par Skidda

Senya ichi monogatari fait partie d’un projet appelé Animerama, sous la direction d’Eiichi Yamamoto et Osamu Tezuka et créé par le studio Mushi production. Ces oeuvres ont été faites pour un public...

le 1 mai 2022

1 j'aime

Les Mille et Une Nuits
kingubu88
7

Mais que fait Belmondo dans un anime ?

On ne saurait trop remercier la société de distribution Eurozoom d’avoir permis la redécouverte de la trilogie Animerama de Mushi Production, tant ces films, conçus en plein battant de la révolution...

le 16 juin 2019

1 j'aime

Les Mille et Une Nuits
Zogarok
8

Critique de Les Mille et Une Nuits par Zogarok

Les Animerama sont une trilogie de films japonais tournés entre 1969 et 1973, tous produits par Osamu Tezuka (auteur d'une œuvre pantagruélique, comprenant des courts-métrages expérimentaux comme Le...

le 24 avr. 2016

1 j'aime

Du même critique

Cleopatra
kingubu88
7

Délire mélancolique

Poursuite de notre exploration de l’univers des Animerama avec ce 2e opus, Cléopatra (ou plutôt Kureopatora), à la fois plus déjanté et plus mélancolique que son prédécesseur Mille et une Nuits. Le...

le 16 juin 2019

2 j'aime

Les Nibelungen
kingubu88
8

Winter is coming

Bien avant le Seigneur des Anneaux, longtemps avant Game of Thrones, il est fascinant de constater à quel point tout le cinéma de fantasy contemporain semblait déjà résider dans cette œuvre monstre...

le 16 juin 2019

2 j'aime

Le Quattro Volte
kingubu88
8

Il était une fois...la vie

La scène-clé du Quattro Volte est sans doute ce plan-séquence intervenant vers le premier tiers du film. Dans cette scène, alors que la population du petit village calabrais participe à une cérémonie...

le 20 févr. 2020

1 j'aime