Les Petits Mouchoirs par Julie_D
Il faut le voir pour le croire... ou détourner pudiquement le regard, comme lorsqu'on passe à coté d'un accident de la circulation. Car c'est bien à ça que ressemble Les Petits Mouchoirs de Canet, improbable leçon de non-cinéma, tant chaque aspect du film, scénario, mise en scène, montage, musique, semble être passé sous un rouleau compresseur. Le plus dramatique étant l'addition de talents originellement présents dans le véhicule, à commencer par les acteurs, qui font de leur mieux avec un matériel de départ presque inexistant.
Il faut dire que les protagonistes des Petits Mouchoirs composent une galerie de gens bien ternes, sans doute parce que tous peuvent être résumés en une combinaison nom+adjectif (la baba-cool triste, le riche énervé, le fêtard abimé, l'emmerdeur largué...) jamais développés au delà de leur postulat de départ, et ce malgré une pellicule de 2h30. On peine à comprendre pourquoi Canet (également scénariste) fait l'impasse sur une présentation de chacun, sur un quelconque moment en amont permettant de susciter l'empathie (impossible de s'attacher à Ludo, pivot central du film, éjecté au bout de 3 minutes et disposant d'un temps d'exposition quasi-nul).
Rien ne semble à vrai dire réellement écrit : les scènes qu'on devine clef ne bénéficient pas de dialogues, Canet préférant y substituer de la musique au demeurant excellente mais utilisée avec un tel manque de finesse qu'on s'en retrouverait presque dégouté de Janis Joplin ou Ben Harper. Pas non plus de fil rouge ici, juste un enchainement de scènettes vues et revues jusqu'à la nausée, ne délivrant ni vraie réflexion ni éclairage ou évolution sur les personnages, tout au plus des ersatz de morales dignes d'un mauvais livre de développement personnel. Si le spectateur n'avait pas su lui-même tirer ses conclusions, elles sont de toute façon au final mises en toutes lettres dans la bouche d'un vieux sage (nom + adjectif) en forme d'ostréiculteur.
Reste quelques passages comiques réussis (jusqu'à leur 3ème occurrence...) tandis que l'aspect drame tombe doublement à plat : d'une part parce qu'on ne nous a jamais donné l'opportunité de ressentir de vraies choses pour ces gens, d'autre part parce que la forme devient tellement outrancière qu'on hésite entre le fou-rire nerveux et l'indignation sincère.