La Fatigue des Héros

Très engagé dans la Guerre, ayant même été major dans les forces aériennes, William Wyler va retrouver son cinéma influencé par celle-ci, cherchant à se rapprocher de la réalité et d'axer ses films sur l'humain et les tragédies engendrées par les boucheries qu'il a vues, à l'image de Madame Miniver ou Les Plus Belles Années de notre vie.

Il s'intéresse ici aux conséquences de la Guerre, et du retour difficile à une vie normale, à l'influence sur la psychologie humaine, mais aussi la vie sentimentale, physique ou professionnelle, et la difficulté à rattraper le temps perdu, alors que la vie a défilé durant l'absence. Il évoque cela par le prisme de saisissants portraits humains, chacun étant profond et riche, avec un réel apport des seconds rôles pour mieux montrer l'impact de la guerre sur le retour à une vie sociale. Ils sont bien soignés par un William Wyler lui-même blessé durant le conflit, proposant des tableaux authentiques et sonnant toujours juste (avec d'ailleurs un véritable soldat, Harold Russell, jouant l'un des trois protagonistes).

Adapté d’un roman de MacKinlay Kantor, Les Plus Belles Années de notre vie bénéficie d'une réalisation assez subtile, juste et classique, évitant toute sur-dramatisation, apportant, en plus d'une authenticité, une touche émotionnelle. Le montage est bien équilibré entre tous les personnages, l'ensemble est riche et aborde beaucoup de sujet et enjeu sans jamais trop en faire, bien au contraire tant le film brille parfois par sa capacité à traiter simplement et intelligemment ses propos, notamment ceux sociaux. Ce qui ne l'empêche pas l'oeuvre d'être chargée en émotion, grâce principalement aux personnages fort attachants, et pour lesquels on ressent parfois une vraie compassion.

Pourtant, malgré des sujets durs, les moments de bonheurs ne sont pas oubliés, ces simples et petites choses de la vie qui sont bien exploitées par Wyler, qui confronte en même temps les personnages à une réalité bien complexe. Derrière sa caméra, il se montre d'une immense tendresse envers eux, et c'est par ce biais que l'oeuvre finie par bouleverser, à l'image des parfaites dernières minutes, tandis qu'il sublime le contexte de l'oeuvre, tant dans les lieux que vêtements et réactions humaines. Enfin, on ne peut aussi que saluer les performances des comédiens, tous très bons, tant ceux ayant fait la Guerre et devant faire face à la difficulté de la réinsertion (à l'image du toujours parfait Dana Andrews) que ceux qui vont les accueillir et les aider, ou non, à retrouver une vie normale.

En mettant en scène Les Plus Belles Années de notre vie, William Wyler étudie avec justesse, authenticité, émotion et intelligence la difficulté sociale, émotionnelle ou physique de retrouver une vie normale après la Guerre, peignant des personnages attachants et s'appuyant sur de remarquables comédiens.