Soyons franc, le but du jeu est de renvoyer Torpenn et plus particulièrement sa sotte note dans les limbes qu'elle n'aurait jamais dû quitter.
Accessoirement de pousser Hélice à lui faire profiter de son authentique DVD, ou lui de l'accepter, de le rechercher aussi.
Et enfin d'ajouter mon galet pour faire grimper une œuvre trop maltraitée ici.

Ce film, c'est avant tout une communion avec mes sens absolument incroyable. Il y a quelque chose de profondément juste dans la peinture des sentiments. C'est presque capraien, cette façon de toucher si juste droit dans le cœur. Ce film est profondément vasculaire.
J'aimerais savoir d'où ça vient, ce qui fait cette justesse funambulaire, funambuliste, funambulée ? Mais rendons nous à l'évidence, si j'en étais capable, d'autres l'auraient trouvé depuis longtemps, et le moindre film serait un pur moment d'émerveillement.
Non, c'est une alchimie à peine moins perdue que celle de Flamel, un pétillement ineffable pour lequel on est condamné à l'aléatoire de la rencontre.

On peut cependant toujours arguer quelques petits sentiers, sur lesquels on s'amusera à rencontrer, deleuzer même, le charme.

Grand-père. Grand-père c'est l'innocence. Elle ne tarît pas un chemin pour se manifester. Irradiant littéralement de ce corps.
Ce sont de grands yeux bleus qui entourent un nez bourbonien, des cheveux éburnéens se prolongeant dans des favoris épousant une forme tronquée du visage, dans une mode de l'époque.
On reçoit par son visage une impression de bonté malicieuse et d'espièglerie innocente, qui en font un personnage plus attachant qu'une nouvelle portée des pelotes duveteuses qui me sont si chères.
Mais c'est dans sa relation à la petite qu'il nous promène sur le fil du charme.
On regrette de la voir reléguée si loin par la suite, à cet objet social uni-dimensionnel de serf/princesse, lorsqu'au début on voit s'épanouir cette mutualité déchirante. Piano-pantoufles, pantoufles-piano [à répéter très vite]. Et cette invitation cachée dans un quiproquo bienveillant n'ayant qu'une dupe, quel délice.
La mère trouvant la chair de ses filles sous le sapin, leurs présents puisés dans leurs propres présents, certes. Mais le tricot podologique d'une enfant à un vieil homme, pour le piano, pour la musique, plus encore.

C'est aussi l'évocation récurrente de tendres tableaux tels que ceux de la mère assise, encadrée par sa vie, sa corolle humaine, quatre petites âmes, l'oreille tendue vers la lettre de papa, de la guerre.

Tout cet ensemble tient de la phylogenèse, assurément, et c'est en ce sein qu'il nous faut rencontrer celui qu'on cherche depuis le début de nos deleuzeries.
Tempus fugit, irreparabile. On ne retrouvera pas le temps d'avant, mais le temps d'après n'est pas si mal. Accommodation acceptable, on meurt, mais l'on aime, et l'on en naît. Et tout continue, on peut rire à nouveau, et l'on est ensemble, encore. Un arc-en-ciel final sans la bande d'Alexandre, sans goutte d'eau projetant son ruban noir sur la composition, un tracé idyllique.

Un ancêtre des Wes Anderson, une peinture de la renaissance flamande, encore un peu maladroite mais déjà si juste, un goût de canard à l'orange peut-être, et surtout un air de mon « Dôme épais le jasmin » delibesien, comme cette phrase introductive de clarinettes mêlées de hautbois, si douce, si douce, qu'elles reprendront toutes deux ensembles, Lakmé et Mallika, enlacées dans le plus beau refrain du monde.
(A bon entendeur : http://www.youtube.com/watch?v=DhFC3AhLtag , quand bien même mon introduction instrumentale, cette association parfaite de timbres en écho au duo futur, y est étouffée dans l’œuf, morte-née).


J'ai jouté avec la tentation de n'écrire qu'exclusivement sur le sujet :
« Les quatre filles du Docteur March, un paroxysme de l'hélicisme filmique ».
L'idée m'a beaucoup séduit, pour finalement l'abandonner, malgré matière à un mémoire solide.
Déçu dans un premier temps de ma couardise, je relis ta critique, et constate que tu l'as déjà admirablement fait toute seule, retournant par avance la plupart de mes éventuelles redondances à leur essence caduque : « Jo March, qui représentait pour moi, gamine, l'héroïne la plus parfaite », et toute la suite de ton dernier paragraphe, qui évoquera à tous tes proches et assimilés un personnage autrement plus réel que Jo March.
Adobtard
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le 27 mars 2013

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