Fernand Naudin est un tranquille et prospère commerçant de Montauban,qui vend du gros matériel pour l'agriculture et le bâtiment.Mais c'est aussi un ancien malfaiteur depuis longtemps retiré des affaires douteuses.Cependant,quand son vieux pote et complice Louis revient à Paris pour y mourir après une cavale de 15 ans au Mexique,Fernand ne peut refuser de respecter ses dernières volontés,à savoir reprendre son business pour protéger les intérêts de sa fille Patricia,qui ignore la véritable nature des activités paternelles,face aux appétits féroces des associés du défunt qui veulent tous s'approprier son empire criminel.Fidèle en amitié,le Montalbanais va mettre tout le monde au pas tout en gérant sa remuante "nièce" tout au long d'épisodes agités.Cette adaptation de la trilogie littéraire d'Albert Simonin clôt en beauté le cycle dit "Max le menteur",le personnage s'appelant ici Fernand.Après "Touchez pas au grisbi" de Jacques Becker en 54 et "Le cave se rebiffe" de Gilles Grangier en 61,c'est Georges Lautner qui s'empare du concept en réalisant le film et en coécrivant le scénario avec l'auteur du roman "Grisbi or not grisbi",Simonin donc.Comme pour les opus précédents,la transposition cinématographique s'éloigne très largement du livre et poursuit la glissade de la saga vers la rigolade.L'humour était peu présent dans le Becker,beaucoup plus dans le Grangier,et là ça vire carrément à la parodie de polar sous l'impulsion des dialogues de Michel Audiard,qui a manifestement pris le pouvoir sur le film,plus encore que dans "Le cave",à tel point que "Les tontons" est devenu une oeuvre culte à travers ses répliques hilarantes et inspirées maintenant ancrées dans la culture populaire.De fait,on a ici une comédie plus qu'un polar,et cette histoire de guerre des gangs, traitée de manière désinvolte,n'a pas grand intérêt,ce qui emporte l'adhésion étant le mitraillage délirant de punchlines de folie,sans doute la meilleure performance de la carrière d'Audiard,et la truculence de personnages décorrélés de la réalité mais extrêmement drôles incarnés par une troupe de comédiens géniaux en état de grâce.Lautner livre une mise en scène très propre,faisant la part belle aux réunions riches en réflexions démentes,l'image étant fixée par l'impeccable noir et blanc de Maurice Fellous,tandis que l'excellente musique de Michel Magne,le compositeur des "Angélique",se fond idéalement dans les divers tons des séquences.C'est une production franco-italo-allemande,dirigée par la Gaumont d'Alain Poiré,ce qui explique la présence de quelques acteurs teutons ou transalpins.Quelques échantillons d'Audiard pour la route,même si tout le monde les connait maintenant,avec la part belle dévolue à Raoul Volfoni,le truand spécialisé dans les jeux clandestins:"Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver,éparpillé par petits bouts,façon puzzle.Moi,quand on m'en fait trop je correctionne plus,je dynamite,je disperse,je ventile!".Ou alors "Je vais le renvoyer tout droit à la maison mère,au terminus des prétentieux!".Mais Fernand n'est pas en reste quand il évoque Raoul avec son "Les cons ça ose tout,c'est même à ça qu'on les reconnait!".Ou quand il s'adresse à Patricia:"L'homme de la pampa,parfois rude,reste toujours courtois,mais la vérité m'oblige à te le dire:ton Antoine commence à me les briser menu!".Le notaire Folace est pas mal non plus quand il parle de la vieille gnôle avec laquelle se torche le gang:"On a dû arrêter la fabrication,il y a des clients qui devenaient aveugles,ça faisait des histoires",ou lorsqu'il s'énerve quand une jeune femme s'approche trop de son magot:"Touche pas au grisbi,salope!".Madame Mado,la tenancière de bordel,est pas mal non plus avec ses explications concernant la chute de son commerce:"Le furtif,par exemple,a complètement disparu,il reste devant sa télé pour voir si par hasard il serait pas l'homme du vingtième siècle".Le casting fait merveille,avec à sa tête un Lino Ventura admirable de justesse en ex gangster excédé contraint de retourner aux affaires illégales,remplaçant brillamment Gabin qui tenait cet emploi dans les précédents opus.L'immense Bernard Blier casse la baraque en vrai-faux meilleur ennemi plus doué pour les envolées lyriques que pour l'action,ce qui cadre parfaitement avec l'ambiance du film.Plus en retrait mais très efficace,Jean Lefebvre joue son imperturbable et réaliste frère.Francis Blanche se régale à interpréter un notaire mafieux qui connait la musique,alors que Robert Dalban brille en majordome faussement anglais.Claude Rich est idéal en godelureau tête à claques,et Horst Frank a tellement la gueule de l'emploi en distilleur manipulateur qu'on ne verrait personne d'autre à sa place.Sa compatriote allemande Sabine Sinjen est en revanche catastrophique dans le rôle de Patricia.Moche et à côté de la plaque,elle a semble-t-il galéré avec la barrière de la langue,d'ailleurs elle a dû être doublée vocalement.Venantino Venantini est impeccable en tueur à gages fiable et compétent,tout comme son cousin et collègue joué par Mac Ronay,plus connu comme illusionniste comique,bien avant Eric Antoine.Jacques Dumesnil,qui trouvera tardivement une certaine notoriété avec le feuilleton "Au plaisir de Dieu",tiré du roman de Jean d'Ormesson,est très bien en truand subclaquant.De très sympas seconds couteaux sont de la partie avec Paul Mercey en patron de bowling,Dominique Davray en mère maquerelle,Henri Cogan en homme de main coriace,Jean Luisi en tireur fugace ou Philippe Castelli en tailleur efféminé qui incarne une représentation de l'homosexualité peu répandue dans le cinéma de l'époque,d'autant que le personnage d'Horst Frank est lui aussi clairement en couple avec son principal lieutenant.Et puis il y a le caméo de Paul Meurisse,qui apparait dans la peau du Monocle,qu'il a campé dans une trilogie réalisée par Lautner entre 61 et 64.Notes et critiques de films de Georges Lautner publiées précédemment:"Le professionnel"-9,"Flic ou voyou"-6,"Mort d'un pourri"-6,"Le pacha"-7.Moyenne:7.