"Sabatchka"
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Parfois on ne sait plus si l’on doit étudier l’Histoire ou le cinéma. Comment considérer l’un sans l’autre quand Mikhalkov rencontre Mastroianni & que les deux se retrouvent à réaliser le film, non parce qu’ils ont chacun pris le tournage en main mais parce qu’ils ont échangé les valeurs de leur pays & de leur cinéma en égaux ?
Difficile en effet de ne pas les imaginer complices derrière cette œuvre aux inspirations aussi diverses que ses adaptateurs – une coproduction au sens le plus pur & large du terme. Le film & le scénario ont en commun de commencer leur existence par la rencontre d’un Italien & d’un Russe, & encore, le film va à son tour devenir récit dans le récit à mesure que le personnage raconte sa vie à l’autre & que chacun dissout les premières impressions qu’il donne, de par sa nationalité, dans la curiosité de l’autre.
On en arrive à manquer le coche quand la rencontre la plus importante se produit, celle qui finalement est responsable à la fois de l’histoire & du film qui la contient : l'intrigue sentimentale. Sous couvert de russifier l’Italie & de faire à nouveau de Mastroianni cet éternel étranger au charisme incurable, Mikhalkov arrive une dernière fois à se moquer de son pays (car 1987, c’est trois ans avant sa mort – du pays, je veux dire) en exportant l’humeur italienne en Russie : c’est quelque chose de voir un pays comme la Russie se moquer de lui-même avec la force de l’autodérision italienne quand il s’agit d’une nation conservatiste où le progrès, surtout en milieu rural, arrive au compte-gouttes.
Calme mais riche, Les Yeux noirs est une quintessence précieuse & impossible à falsifier ; l’authentique fusion de deux grandes nations de cinéma qui se donnent ce qu’elles ont de mieux dans un film qui n’oublie pas de raconter une histoire, & même de donner à ses interprètes des rôles qui les dépassent légèrement comme ils deviennent le compromis inattendu entre deux nations, deux cultures, deux cinémas, bref : on ne peut pas rêver meilleur pont italo-russe que celui trouvé par Mikhalkov entre art pathétique & exubérance.
Créée
le 1 juin 2020
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