On aborde toujours avec une grande prudence les biopics d’icônes américaines, et d’autant plus lorsqu’elles traitent de personnages qui nous sont particulièrement chers. Foire à la performance et au pathos, du comédien qui va prendre des kilos (Paul Dano) ou jouer le cerveau cramé par les médocs (John Cusack), le pire est à redouter.


Le générique d’ouverture annonce cependant assez clairement la couleur : il ne s’agit pas de nous restituer la dynamique traditionnelle de l’ascension et de la chute, puisqu’on évacue la quasi-totalité de la gloire des Beach Boys en une séquence de sommaire à gros grain pour mieux en finir et décaper l’image comme Brian Wilson cherche à le faire avec sa musique à partir de Pet Sounds.
Exit les scènes de foule, la folie du succès ou la restitution des sixties sous LSD : ce ne sera que le second plan du véritable sujet, scindé en deux temporalités, celui de la folie d’un génie.
Soit, donc, les deux extrémités d’une aliénation : par la créativité, puis par un gourou. La deuxième partie est sans doute la plus convenue, suivant les balises d’une hagiographie victimisante où l’amour va sortir le pauvre demeuré des griffes du méchant docteur. Certes, on pouvait s’attendre à pire, (comme le présagent certaines séquences de bad trips plus que dispensables) et les comédiens, particulièrement Cusack et Paul Giamatti, sont convaincants.
C’est surtout la première période qui intéresse : celle où le jeune Brian se décide à expérimenter pour créer une musique en adéquation avec ces voix folles qui le hantent. Les discussions avec le groupe plutôt décidé à rester un boys band dans l’air du temps, le poids destructeur du père, la tension croissante avec Mike Love… Tout cela fonctionne et donne une approche crédible des coulisses de la grande histoire de la pop.


Mais le film fait surtout un bond qualitatif dans la restitution minutieuse qu’il propose des sessions d’enregistrement. Puisqu’il s’agit de plonger dans le travail d’un orfèvre, autant faire dans le détail, et ce sont là les séquences les plus passionnantes du film : la création du son, des trombones frottés sur des cordes de piano au violoncelle imitant un hélicoptère pour le riff de Good Vibrations, toutes les expérimentations sur les arrangements avant la pose des voix génère un travail de reconnaissance jubilatoire pour le fan des Beach Boys. On savait sa musique composée comme un palimpseste, on nous isole ici chaque couche, et le saveurs se multiplies en un mille-feuille unique.
Rien que pour cela, Love & Mercy mérite d’être écouté.

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le 23 sept. 2015

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Sergent_Pepper

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